Odyssées vers le Sud

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samedi 24 mars 2018

M02 Transandina 2018 : de San Carlos de Bariloche (Argentine) à Chiloé au Chili

Changement de programme

Arrivé à San Carlos Bariloche, il était prévu que je continue vers le Sud, vers Ushuaïa, la ville la plus australe du monde et cette année 2018 ; d’aller au moins jusqu’à Perito Moreno , de laisser le reste (environ 2.000 km) pour le début de 2019 et de rentrer en bus à Santiago au Chili… avec le vélo bien sûr.

Mais en Argentine, il est impossible de charger un vélo dans un bus alors que, renseignements pris auprès des cyclotouristes rencontrés en chemin, c’est tout à fait prévu et possible au Chili. Et ce n’est pas la froideur de la réponse on ne peut plus distante de l’employée du guichet vendant des billets qui me calme … « son regard semble me dire … votre problème, je n’en ai rien à cirer … » ! … « Merci madame pour votre (manque d’) empathie » !

Bon dès lors, comme dans chaque cas où un « problème » vient compliquer la suite du voyage, il s’agit de réagir en disant « il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions ». C’est ainsi que aussitôt le plan « B » est mis en application : retourner vers le Nord et puis vers l’Ouest en regagnant le Chili par le col Cardinal Samoré.

Je ne sais ce que ce brave ecclésiastique a fait mais il n’a sans doute jamais passé ce col à vélo. Ni le douanier qui me souhaite « bonne montée » jusqu’à la frontière : 17 km en 3h54 pour être précis, soit un peu plus de 4 km / heure, sans compter les arrêts. Un peu avant le sommet, je croise un cyclotouriste chilien venant du Chili et qui s’arrête tout heureux d’avoir terminé la longue et difficile ascension ; il me donne un chocolat, « pour (re)prendre des forces », me dit-il ! Au sommet, fier comme D’Artagnan, je me fais un « selfie » (comme les Chinois devant le « Manneken Pis » à Bruxelles) devant le panneau : « Bienvenido a Chile ».

(re)bienvenue au Chili

Excès de zèle

C’est vrai que je les aime bien les chiliens … jusqu’à un certain point quand même ! Ils ont une de ces rigueurs sans doute héritée des Espagnols « conquistadores » ! Tout d’abord, le premier douanier me demande plusieurs renseignements concernant le véhicule utilisé, à savoir dans mon cas un vélo : la marque, la couleur, l’année de fabrication … je lui demande : « voulez-vous savoir le nombre de km parcourus ? » - « Non, il n’y a pas de case prévue à cet effet » …

Ensuite, de nouveau un différend à la frontière qui m’avait déjà provoqué une belle colère à l’aéroport de Santiago à mon arrivée. L’objet du conflit, c’est le contrôle des bagages pour raison sanitaire.  Bon, quand vous avez une seule valise de touriste voyageant en voiture, même si elle est bourrée de vêtements dont dix robes (dont 8 inutiles), c’est vite ouvert et refermé. Quant à moi, sept sacs à ouvrir après avoir patiemment enlevé les cinq sangles qui les attachent au vélo … je refuse … « et bien alors, vous ne passez pas, c’est la loi ! » - « Mais ce ne sont que des vêtements et autre matériel de camping ! » - Peu importe.

Après un certain temps, je me résous quand même à tout ouvrir, n’ayant pas envie de passer la nuit au poste de douane. Le douanier zélé, muni de gants comme un chirurgien, l’air hyper-convaincu de l’utilité de ce qu’il fait, ouvre chaque paquet, même la petite casserole qui me sert à me chauffer une soupe ainsi que ma trousse de secours … pour vérifier qu’il n’y a pas une banane dedans ! « Comme si j’allais y mettre une banane ! » Car en fait, le Chili craignant je ne sais quelle maladie, interdit tout entrée de fruits de leurs voisins argentins qu’ils suspectent sans doute de manque de respect de je ne sais quelles normes d’hygiène. 

Il a donc fallu un certain temps pour que le douanier ait tout inspecté ! Et pour finir, d’une façon aussi froide et antipathique qu’à Santiago : « vous pouvez passer ! » Le comble qui m’a fait sourire et même sauter de joie : un peu après le contrôle frontalier, j’ai senti un citron argentin que j’avais gardé involontairement dans la poche arrière de mon maillot. Un « passager clandestin » de couleur jaune – mais totalement inoffensif - aura quand même bravé l’interdiction !

Vers l’île de Chiloé

Sèchage des vêtements et de la tente au bord d’un lac situé au pied du volcan d’Osorno au Chili

La suite du voyage vers l’île de Chiloé au Chili fut merveilleuse quant aux paysages surtout grâce aux nombreux lacs et aux volcans dont celui d’Osorno. Le problème c’est que plus j’avançais vers l’Ouest, c’est-à-dire vers l’océan Pacifique, qui comme chacun sait n’est pas souvent « pacifique », plus le risque de pluie s’amplifiait. Les nuages cachaient les volcans et la pluie de plus en plus froide s’invitait. C’était la fin de l’été (austral) qui s’annonçait. 

Certaines nuits furent très difficiles à passer dans ma petite tente prévue pour des pays chauds. Tout finissait par être mouillé et « insèchable ». Heureusement, j’ai pu compter sur l’accueil des « Chiliotes », les habitants de l’île de Chiloé.

Une maison ancienne en bois typique de l’île de Chiloé

Ainsi, un soir en voyant au loin une belle ancienne ferme aux murs recouverts « d’ardoises » en bois, j’eu la surprise de la réponse positive de la dame âgée à qui je demandais de pouvoir passer la nuit dans son hangar à l’abri de la pluie. Tout d’abord, elle n’avait pas de chien comme dans la plupart des maisons ... « Non, j’en avais un et il a tordu le cou à mes poules qui me pondaient de bons œufs. » 

Gentille la dame ainsi que la fille qui habite avec elle : séchage de tout ce qui est mouillé dans la pièce chauffée par un ancien poêle à bois comme je les aime même s’ils sont rétro (comme en Roumanie, Ukraine, etc.) Une bonne nuit au sec dans le hangar et au matin, avant de prendre la route … et deux « remontants » œufs sur le plat.

Chiloé, terre de conquête et de mission

Revenons à l’île de Chiloé et à son histoire. Le caractère des « Chiliotes » semble différent de celui des autres chiliens. D’abord c’est une île. Il y a une forte opposition de certains au projet de construction d’un pont pour gagner 25 minutes de traversée en bateau … ce qui du point de vue économique est un frein au développement … du moins c’est le point de vue de ces économistes qui veulent toujours plus de croissance, de plus en plus de biens de consommation … et donc de plus en plus de camions qui jour et nuit saturent les routes et vous empêchent de dormir.

Et ils sont têtus ceux-là qui veulent absolument construire un pont … comme les spéculateurs immobiliers à Namur de mèche avec les politiciens qui veulent absolument construire des commerces et autres bâtiments en rasant les quelques malheureux arbres qui nous restent – au Square Léopold - dans notre jolie petite ville !

Petite église typique en bois de l’île de Chiloé

Historiquement, Chiloé fut colonisée par les Espagnols comme le reste du Chili. Quant à l’évangélisation, elle fut le travail courageux des missionnaires de l’ordre de la Merced, des Franciscains et surtout des Jésuites. Ceux-ci sont parvenus en quelques dizaines d’années à organiser toute une vie communautaire en formant des catéchistes – des laïcs (c’est-à-dire « non clercs ») – qui étaient chargés de toute l’organisation communautaire alors que le missionnaire ne passait dans le « village » que trois jours par an ; cela s’appelait la « ronde » missionnaire.

Construction également d'écoles, de centres de santé, etc. Personnellement, j’ai connu cela lors de mon service civil au Brésil, en Amazonie, dans l’île de Marajo, avec les « communautés de bases » … tiens c’était avec un évêque jésuite (Dom Angelo Rivato). Il avait de bonnes idées … un peu comme un certain François à Rome (tiens tiens, qui est aussi un Jésuite) !

L’intérieur de la belle église en bois de Castro au centre de l’île de Chiloé

Un des résultats de ce type de mission, c’est que l’île de Chiloé a compté longtemps le taux d’analphabétisme le plus bas du pays.

Mais ce travail mené par les Jésuites à partir de 1608 ne plut pas aux colonisateurs de l’époque et l’ordre des Jésuites fut interdit dans l’île comme dans toute l’Amérique dite « latine » en 1767. Les « conquistadores » faisaient couper les arbres de l’île pour les vendre aux Péruviens … bonjour les dérégulations climatiques ! Mais aussi les Droits humains des autochtones. Rappelez-vous le film « Mission » de Roland Joffé, avec Robert De Niro, palme d’or au Festival de Cannes de 1986, retraçant le courageux travail des Jésuites dans les « réductions » du Paraguay.

Ceux qui recherchent le pouvoir n’aiment pas ceux qui « ouvrent les yeux » aux personnes à qui ils donnent des responsabilités pour mieux se défendre. Et pas mal de politiciens dans nos pays qui se disent démocratiques seraient tentés de faire pareil. Pourquoi chez-nous investit-on si peu dans l’enseignement alors que nos dirigeants veulent absolument remplacer des avions de combat « F16 » par ailleurs toujours opérationnels ?

Toujours est-il que du travail des Jésuites même après leur départ forcé, il en est resté quelque chose … les Franciscains ont pris le relais et les laïcs ont continué … c’était trois siècles … avant le Concile Vatican II avec la stratégie suivante utilisée : « donner une responsabilité croissante aux laïcs » comme leitmotiv. A Rome aussi où Il y a encore pas mal de travail malgré les blocages de la Curie mais patiemment – avec François et les autres de bonne volonté – les choses avancent …

Malgré la pluie, envers et contre tout … et grâce à la solidarité de certains !

Accueil un dimanche dans deux familles de Chiloé

Accueil chez Dionisio le dimanche 11 mars 2018

Dimanche 11 mars 2018, après avoir réservé une place (pour moi ainsi que pour mon compagnon le vélo dans le bus de retour à Santiago pour le dimanche suivant), j’assiste à la fin de la messe dans l’église des Jésuites à Puerto Montt.  J’écoute avec beaucoup de bonheur les chants « style misa criola » pour ceux qui connaissent et se rappellent les années 1970.

A l’issue de la célébration, j’échange avec l’un et l’autre et je reçois l’invitation de Dionisio à passer chez lui (à 16 km sur la route vers Chiloé) au km 2,750 … facile à trouver car c’est inscrit sur la route, tous les 100 mètres. Outre une bonne douche, un contact téléphonique et par Skype avec Danielle (ma « compagne » qui ne « m’accompagne pas »), l’épouse de Dionisio a préparé un délicieux repas : des « mariscos » crus, crustacés vivant à un certain niveau dans la mer et du saumon avec des patates du jardin, donc « bio ».

Le soir de ce dimanche de chance, je m’adresse à un monsieur pour planter la tente près de chez lui … il m’envoie chez la voisine, Valéria, une femme courageuse, qui élève seule deux garçons et qui m’invite à dormir dans une annexe, où il y a un lit. Ayant peur que je n’aie froid, elle ajoute un édredon aux nombreuses couvertures déjà sur le lit. 

Le soir, elle m’invite à manger pendant qu’à la télévision, le nouveau Président élu, Sebastián Piñera fait son premier discours.  Je demande aux personnes présentes ce qu’elles pensent de ce nouveau Président … « Nous verrons bien si nous aurons plus dans « notre assiette » … puis elles se plaignent qu’elles n’ont plus d’eau depuis plusieurs jours … alors que la facture continue d’arriver chaque mois.

Le matin, la grand-mère me prépare deux œufs avant de prendre la route.  Valéria est déjà partie très tôt : en plus de tout ce qu’elle fait à la maison, elle travaille au péage de la « Panaméricaine » … Femme courageuse et en plus accueillant un étranger pour la nuit !

Le chalet d’accueil chez Valéria, seule nuit passée dans un lit durant un mois

Revenons à notre route sous la pluie dans cette belle île de Chiloé. Au bout d’une journée épouvantable arrosée d’une pluie fine, continue et froide, je cherchais un endroit sec pour monter la tente. Au détour du chemin, un écriteau « Communauté Franciscaine ».

Je me réjouis déjà de dormir dans un bon lit. Au bout d’un chemin rocailleux, entouré de maisons typiques d’un quartier populaire défavorisé (beaucoup d’annexes et d’objets hétéroclites à l’entour), une belle grille peinte en vert entourant le monastère, des bâtiments modernes récents.

Personne ne répond au parlophone apposé à la grille d’entrée qui semble pouvoir se mouvoir toute seule si quelqu’un pousse sur la télécommande … sans doute est-ce le moment où la communauté est occupée à d’autres « tâches » liées à leur vie contemplative ?

Je poursuis ma route. Un garage ouvert me donne l’idée de demander au patron de pouvoir planter la tente … mais n’ayant guère de place pour me caser entre les voitures en réparation et les bidons d’huile et d’autres pièces hétéroclites de voitures en récupération, celui-ci me suggère d’aller un peu plus loin « chez un ami. »

Bonne idée car cet ami, bien qu’occupé malgré la pluie au travail de montage d’un chalet, m’accueille, prend le temps et me propose de passer la nuit dans un chalet lui appartenant.

Très bonne idée car en plus d’un toit, il y a moyen de chauffer de l’eau et un feu ouvert pour réchauffer le corps, le cœur, l’esprit … et surtout sécher les vêtements devenus « inséchables » depuis plusieurs jours. Belle, chaude et douce nuit malgré la tempête … je n’ose imaginer avoir planté ma tente quelque part en dehors d’une habitation !

Enfin un bon feu de bois pour tout sécher une nuit de tempête

Quelques réflexions supplémentaires à l’issue de ce voyage.

Stop ou pas stop ?

Dans la belle région touristique des « sept lacs », à plusieurs endroits des routes de montagne sinueuses de la « Suisse argentine », j’ai croisé des jeunes qui font – ou plutôt qui tentent de faire – du stop. Je me revois, il y a cinquante ans, faisant du stop à travers l’Europe (en quelques années de 1966 à 1973, j’avais accompli plus de 40.000 kms en stop de Stockholm à Siracuse pour les extrêmes) … mais à l’époque, je n’attendais en moyenne que 15 minutes avant d’être chargé par une voiture ou un camion … parfois pour une distance de 500 ou même 900 kms.

Pour ces jeunes Argentins, Chiliens ou d’autres pays, c’est la désolation, le découragement … « nous attendons depuis des heures » et personne ne s’arrête. Pourtant des voitures, il en passe des dizaines avec chaque fois au moins trois ou quatre places vides … mais pas beaucoup de bonne volonté de partage dans la tête des conducteurs … pas plus que chez nous en Belgique … où l’on ne voit plus depuis longtemps – sauf dans les environs de la ville universitaire de Louvain-La-Neuve – la moindre ombre d’autostoppeur(euse). 

C’est sans doute la faute à un égoïsme croissant chez les possédants de voitures, y compris chez ceux qui font de beaux discours sur la nécessité de construire plus de démocratie, plus de justice, etc. … tous ces « poncifs » qui remplissent les journaux !

J’ai chargé une fois, à la sortie de Salzinnes jusque Floreffe, deux jeunes filles, un mois de décembre, attendant depuis deux heures sous une pluie glaciale. Pourtant, elles ne cachaient aucune « kalachnikov » sous leurs vêtements. Pas plus que les belles Argentines … qui auraient eu beaucoup de peine à cacher ce genre d’engin sous leurs courtes mais par ailleurs jolies tenues estivales …

Pour ces jeunes qui n’ont pas la possibilité de se payer les moyens de transports par ailleurs très chers dans ce pays où le taux de chômage reste élevé, c’est le découragement et un sentiment de révolte totalement justifié naît dans leur cœur par rapport à ceux qui peuvent se payer de telles voitures – par ailleurs très polluantes - et qui leur refusent – l’espace de quelques kms – le bonheur d’être emmené(e)s pour quelques heures au bord des lacs tant que l’été est encore là. 

Faut-il s’étonner si ces jeunes en passe de devenir adultes voient d’un mauvais œil le discours incohérent des adultes qui les précédent sur la route des prises de décision concernant la gestion de la société ? Le dernier jour, j’eu l’occasion d’échanger avec un jeune Equatorien en voyage en stop depuis un an en Amérique du Sud. « Dur dur le stop … parfois des heures d’attente ».

Pour vivre, ce jeune récolte quelques piécettes en animant en jonglant les deux minutes passées par les automobilistes aux carrefours disposant de feux tricolores. « Cela me donne tout au plus 5.000 pesos (moins de 10 dollars étasuniens) au bout de la journée »… juste pour payer une nuit dans un camping au mince filet d’eau à peine tiède … ce qui ne nourrit pas encore l’intéressé !

Il est vrai que, en ce qui me concerne, le fait d’avoir un vélo et d’avoir « le loisir » de pédaler pour avancer (quel que soit le temps) me dispense de devoir attendre « bêtement » et ce serait certainement « rageusement » au bord de la route !

 « Hasta la vista, Chiloé ! »

« Petit » sourire chilien

Un dernier moment de stress à Ancud, le dimanche 18 mars 2018 sur le coup de 18h10. Le bus venant de Castro, ville du centre de l’île de Chiloé à destination de Santiago, arrive à l’heure prévue. Sur mon billet de réservation, il est inscrit « vélo accepté comme bagage »; les deux chauffeurs sont bien au courant et pendant cinq longues minutes, ils s’y sont mis à deux pour tenter de faire entrer mon vélo (pourtant démonté) dans la soute à bagages … ouf, ils y sont parvenus ! C’est vrai qu’il y avait déjà trois vélos dans la soute.

Ainsi grâce à la bienveillance et l’obstination de ces chauffeurs chiliens, ma fidèle monture (38.519 kms au compteur depuis janvier 2009 pour 3.105 heures de bons et loyaux services) m’accompagne pour rentrer au pays. Il est vrai que j’en aurai encore besoin en 2019 pour accomplir le chainon manquant de la traversée des Andes, à savoir de San Carlos Bariloche jusqu’Ushuaïa en Argentine. Alors et alors seulement, mon rêve de traverser l’Amérique du Sud par les Andes de l’équateur à la ville la plus au Sud, sera réalisé … !

Du carton pour emballer le vélo … à une interview à l’aéroport par une chaine de télévision chilienne.

Cartons rassemblés en prévision de l’emballage du vélo pour l’avion de retour

Cette année, pour mon retour à l’aéroport avant de rentrer en Belgique, j’ai innové. Je suis allé à vélo jusqu’à l’aéroport en passant la dernière nuit dans ma tente à deux kms de la piste de décollage, dans un endroit boisé et sec. E

n traversant la ville de Santiago, en débarquant du bus venant de Chiloé (15 heures de route pour 1.122 km), j’avais récupéré des cartons à l’entrée d’un supermarché et le long de la route, en prévision de l’emballage de mon fidèle compagnon qui – contrairement aux bus argentins – pouvait entrer dans la soute à bagage, et ce pour la première fois, sans payer de supplément car ne dépassant pas le poids de 23 kgs.

Cette anecdote, n’a pas échappé à la journaliste de la chaine de télévision Canal 13 de Santiago qui m’a interrogé pendant plus d’un quart d’heure sur tous les détails de mon voyage on ne peut plus insolite : le nombre de kgs chargés sur le vélo, mon couchage, ma batterie de cuisine de campagne, les gens qui m’accueillent, le nombre de kms parcourus par jour, au total, depuis le début de mes voyages, mon âge, ma compagne qui ne m’accompagne pas (« et pourquoi ? »), les dangers de la route, le gilet fluo, le casque de sécurité, l’écarteur qui fait peur aux voitures, etc. Un quart d’heure de bonheur car je sentais que mon voyage on ne peut plus original finissait pas intéresser quelqu’un. … C’est un peu comme … lorsque je reçois vos messages … !

Du Chili … de bonnes idées à mettre en application ?

Je vous ai déjà parlé de la piste utilisable par les vélos le long de l’autoroute. Le long de certaines nationales, il y a une « ciclopista » qui permet aux cyclistes d’utiliser un endroit sécurisé qui leur est réservé et cela dans les deux sens, séparés par une ligne jaune, et réunis du même côté de la route … avec ce qui est génial, une zone neutre de 50 cm pour éviter que les cyclistes ne soient frôlés par les véhicules. Idée géniale, déjà utilisée depuis des décennies aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves … à quand en Belgique ??

Intéressant aussi c’est le feu clignotant qui rend opérationnelle la « zone 30 » à l’approche des écoles, uniquement lorsqu’il y a des enfants. Est-ce « juste », comme cela arrive parfois en Belgique d’avoir un procès lorsque vous dépasser la limite de 30 km heure à 3 heures du matin ou lors de congés scolaires ?

Ce gentil chien m’a accompagné en courant durant plus de 20 km ... il n'a pas aboyé une seule fois !

Retour en Belgique : de bonnes et d’étranges nouvelles … !

En 2016, au retour de Durban après la Transafrica qui m’avait conduit dans le village de Nelson Mandela en Afrique du Sud, je rentrais au lendemain des attentats de Bruxelles … détourné sur Luxembourg. L’atmosphère était lourde mais dans la sérénité, il y avait une recherche de dignité malgré les souffrances. Cette année, des nouvelles moins tristes et plutôt étonnantes !

Tout d’abord la veille de mon retour, « Monsieur » Sarkozy, ancien Président de la République Française et par ailleurs candidat aux élections il n’y a pas si longtemps alors qu’auteur « présumé » d’une série de scandales et de tentatives de corruption à répétition, se retrouve en garde à vue … au moins çà c’est une bonne chose : au moins un peu de justice dans notre société, pourquoi n’y aurait-il que les petits voleurs et les étrangers en recherche d’asile dans un parc qui seraient mis en centre fermé ?

Par ailleurs des décisions peu reluisantes du Gouvernement Wallon qui nous dirige : tout d’abord le fait de suspendre la coopération avec certains projets de développement dans les pays du Sud du Centre National de Coopération au Développement … qui tente depuis cinq décennies de travailler pour plus de justice dans ces pays.

Et tout aussi triste et décevante c’est la décision du Parlement Wallon de suspendre la coopération avec l’autorité Palestinienne … comme si la préoccupation actuelle de nos « pays européens » était de soutenir unilatéralement un des derniers régimes d’apartheid, à savoir l’état d’Israël. Au moment où l’on se rappelle le triste anniversaire des 70 ans de l’occupation de la Palestine, la « Nakba » cette « catastrophe » que l’expulsion de plus de 700.000 Palestiniens de leur terres et de leurs maisons dans ce qui est devenu Israël !

Ceci dit et malgré cela, je vous souhaite bientôt de bonnes fêtes de Pâques ou de Printemps, c’est comme vous voulez.

Coucher de soleil sur la mer à Chiloé

Sourires belgo-brésilien

Les maisons sur pilotis de l’île de Chiloé

Bilan de la "Transandine" à ce jour : 11.790 km soit :

  • 2009  de Quito en Equateur jusque Salta en Argentine : 6.988 km ... en 112 jours;
  • 2013  de Salta en Argentine à Santiago du Chili : 2.838 km ... en 42 jours;
  • 2018  de Santiago du Chili à Chiloé via San Carlos de Bariloche en Argentine : 1.964 km ... en 28 jours de route.

En janvier-février 2019, sur la "Ruta 40" en Argentine, il me restera bien plus que 2.244 km (vraisemblablement entre 2.500 et 3.000) à parcourir de San Carlos de Bariloche jusqu’Ushuaïa … « dans le soleil, la pluie et dans le vent des Andes » … !

Léon Tillieux de retour de la Transandine 2018

mardi 6 mars 2018

M01 Transandina 2018 : de Santiago du Chili à San Carlos de Bariloche en Argentine

Je vous retrouve en ce mois de mars 2018, huit mois après la traversée du Pamir au Tadjikistan et au Kirghizistan (dont une partie en compagnie de ma fille « globetrotteuse » Sueli, actuellement au Japon).  Le rêve de traverser les Andes depuis l’équateur (Quito) jusqu’Ushuaïa, la ville la plus australe proche de l’Antarctique, se concrétise à nouveau.  Me voilà sur les routes chiliennes et argentines pour quatre semaines.
 
Dimanche 18 février 2018, à peine atterri à Santiago du Chili, le vélo et les bagages sont arrivés en même temps.  Quant à ceux-ci, ils furent fouillés un à un et le moindre paquet fut ouvert … je n’avais jamais été fouillé de la sorte même en Israël !

Une seule fois en Russie en 2006, lorsque j’avais approché involontairement une centrale nucléaire et une base de sous-marins et l’an passé au Kirghizistan en rentrant de mon périple au Pamir.  Je ne savais pas que les Chiliens pratiquaient les mêmes méthodes que celles encore en vigueur dans certains satellites de l’ex-URSS. Peut-être ont-ils hérité cela des Espagnols qui les ont envahis … il y a quelques siècles de cela ?


Bien décidé à retrouver les Andes le plus vite possible, je me suis mis à « tracer » à bonne allure vers le Sud.  Objectif atteindre Temuco en une semaine : et bien le dimanche 25 février, j’étais à Temuco. Je profitai de la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute pour rouler en sécurité. C’est tout à fait permis et les policiers que j’ai croisés m’ont salué … et même encouragé !

Un avantage sur cette autoroute : quatre fois, j’ai pu bénéficier d’une douche chaude gratuite sur un parking de « repos » destiné aux camionneurs, nombreux également sur cette autoroute de l’hyper consumérisme qui gagne aussi les pays émergents de ce que l’on appelait autrefois le « tiers-monde ». 

Car l’hyper consumérisme – dont nous sommes tous volontairement ou involontairement complices – nécessite un tas de biens de consommation qui doivent bien être transportés vers les lieux d’achat. Dès lors, un véhicule sur deux sur cette autoroute chilienne d’un pays qui est un pays développé, est soit un bus (hyper confortable) soit un camion.

Chaque soir, je privilégiai le contact avec les gens en leur demandant de pouvoir planter ma tente dans leur propriété.  Très peu de refus et certains soirs, cela marchait même du premier coup. Le premier soir, un monsieur seul a accepté après avoir demandé l’avis de ses enfants venus lui rendre visite. Un bon melon et une petite bière chilienne le soir et le matin deux œufs sur le plat.

Moment d’émotion quand nous nous sommes quittés lorsque ce monsieur m’a montré fièrement une photo de Salvador Allende en visite dans le coin et une copie de son dernier discours … avant d’être renversé par un coup d’état orchestré par la C.I.A étasunienne. Il y avait encore dans le regard de ce brave homme la lumière d’espoir d’un chemin démocratique brutalement interrompu pour de nombreuses années de dictature pinochienne.

Les deux petites filles d'une famille d'accueil pour un soir

Le lendemain, deux familles vivant dans des maisons peu confortables me dirent « oui » de suite et m’offrirent un plat de tomates accompagnées de maïs. Un autre soir, j’ai planté ma tente entre les voitures des ouvriers venus passer la nuit dans une pension.

Le lendemain, j’ai pu occuper un local en bois nouvellement construit.  Et encore le « oui » d’une dame demandant l’avis de son mari rentrant du travail et m’offrant une bonne tartine au fromage local. Le samedi 24 février, près de la gare du village de Pua, un couple m’indiqua un terrain vague … « pas de problème pour la sécurité » car il se trouve en face du poste de police … policiers avec qui j’ai pu échanger sur le but de mon voyage autour d’une tasse de café.

Enfin, le plus drôle, c’était une petite scierie où j’ai pu monter ma tente ; les ouvriers venant de terminer de travailler m’ont laissé seul … avec le chien comme gardien !  Et il n’a pas été impressionné par ma présence : il n’a même pas aboyé !

Dans sa niche en forme de tente en bois, le chien de garde

Peu de rencontres de cyclotouristes au Chili si ce n’est Cyntia, une jeune argentine sympa, venant à vélo de Ushuaïa et se dirigeant vers Santiago : l’inverse de ce que je fais. Elle m’a dit que la route du col que j’allais prendre pour passer en Argentine est mauvaise sur 13 km … mais j’ai été gâté : 700 kms sans un trou sur la bande d’urgence de l’autoroute entre Santiago et Temuco … pas sûr d’en faire autant en Belgique sans tordre une roue !

Cyntia cyclotouriste "jeune" argentine sympa en route de Ushuaïa vers Santiago croise un "vieux" Belge en route de Santiago vers Ushuaïa !

A Villarica, je laissai mon vélo et mes bagages dans un camping. Levé à 5h du matin pour partir pour l’ascension du volcan culminant à 2.800 mètres.  Ce volcan est encore en activité et s’est réveillé en 2015.  Dans les années 1960 et 1970, il fut responsable de la mort de plusieurs personnes.

Partis avec deux guides, un touriste chilien et deux Brésiliens ainsi qu’un masque à gaz (utile en cas de réveil du volcan), j’ai bien suivi le rythme des plus jeunes et en un peu plus de cinq heures d’ascension, nous arrivâmes au bord du cratère.

Quel spectacle ! Quelques fumerolles permanentes et de temps en temps un bruit sourd venant du « ventre » de la terre … oui, le volcan est encore bien vivant !  Pour la descente (plus dangereuse), nous avons glissé sur notre arrière-train sur une « pelle » en plastic comme les enfants à la citadelle de Namur (quand il y a de la neige).

Assez impressionnant quand on prend trop de vitesse et que l’on craint un plongeon final dans le lac !  Finalement deux heures de descente.  C’était mon troisième volcan après le volcan Tunupa (5.321 mètres au sommet) au nord du salar d’Uyuni en Bolivie en 2009 … et le fameux « Lascar » et ses 5.592 mètres au Chili en 2013 !


Au bord du cratère du volcan Villarica au Chili, toujours en activité

Après Villarica et Pucon, un col m’attendait : celui de Mamuil-Malal. Même s’il ne dépasse guère les 1.200 mètres d’altitude (1.253 pour être précis), j’ai eu droit à quelques belles montées.  Mais rien à voir avec les cols de plus de 4.000 mètres, dont celui de 4.850 mètres au Pérou en 2009 et le fameux col de Sico (4.092 m) sous la neige en 2013 (rappelez-vous les films tournés ces années-là).

Dans la montée du col de Mamuil-Malal, frontière entre Chili et Argentine

A la frontière entre le Chili et l’Argentine, pas de problèmes.  Je fus invité à me présenter aux policiers mais ne les voyant pas, je continuai mon chemin sans problème : des contrôles comme à l’aéroport de Santiago, une fois cela suffit !

Du côté argentin, pas question de demander à des familles pour planter la tente et pour cause : mis à part les villes, dans les campagnes, pas le moindre village, rien que des barbelés et derrière des troupeaux de vaches, de brebis, de chevaux.

A un certain moment, pas moyen d’avoir accès à la rivière pour m’approvisionner en eau : la rivière est tout simplement insérée dans la propriété (« merci » les Conquistadores).  Aussi n’ayant plus d’eau, j’ai fait comme dans le désert d’Atacama, j’ai agité une bouteille vide au passage d’un véhicule et une voiture s’est arrêtée pour me ravitailler !

Je suis passé par l’Araucanie, la région où habitent beaucoup de Mapuches, les rares amérindiens à avoir résisté sans concession aux envahisseurs espagnols. Ils ne sont pas prêts d’oublier les siècles de souffrances qui leur furent imposés. Des Mapuches, il y en a aussi du côté argentin.  

Un matin, j’eu l’occasion de parler avec l’un d’entre eux. Dans son regard, luit la fierté d’appartenir à cette communauté. Parmi les Mapuches, n’oublions pas le célèbre compositeur argentin Atahualpa Yupanqui qui chante toute la détresse mais aussi le courage de ce peuple.

Mapuche et fier de l'être !  ... Ne lui dites pas que vous êtes Espagnol !

Entre San Martin de los Andes et San Carlos de Bariloche, je me croyais en Suisse.  La route des sept lacs m’a fait suer avec ses nombreuses montées.  Mais quels paysages !  Ce message je vous l’écris depuis un camping merveilleusement situé au bord d’un lac.
 

Léon Tillieux en Argentine à San Carlos Bariloche (Wi-Fi gratuit sur une place)