Odyssées vers le Sud

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Transandine › Transandine 2019

Voyage à vélo de Léon Tillieux en solo du 2 janvier au 16 mars 2019 en Argentine

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vendredi 26 avril 2019

Transandina 2019 : film et conférence !

dimanche 17 mars 2019

M09 Transandina 2019 : arrivée à San Carlos de Bariloche en Argentine

Voici le compte-rendu de la fin du voyage en Amérique Australe, qui se termine à San Carlos Bariloche d’où je prends l’avion de retour vers la Belgique ce 14 mars 2019 à 18h pour arriver à Zaventem samedi 16 mars à 10h du matin.

Le lac Guillelmo, un des nombreux (beaux) lacs d'Argentine

On peut randonner à vélo longue distance au-delà de « 4 x 20 ans »

Vendredi 1er mars, vers 18h, je reprends la route vers la frontière Argentine, cherchant un endroit calme pour planter la tente une dernière fois en terre chilienne. Je vois arriver devant moi un cyclo-randonneur qui d’emblée m’annonce son âge : 81 ans. Arnoldo a accompli durant ces deux dernières années 14.000 kms à vélo en Argentine et au Chili. Il en a déjà tellement parcourus auparavant qu’il ne sait plus quelle distance cela représente.

Toujours est-il qu’il repart vers le Sud, vers la Carretera Austral que je viens de terminer… avec bonheur. Avec bonheur, non seulement fier d’avoir pu réaliser ce raid mais aussi heureux de laisser « derrière moi » plus de 600 km de ripio !

Arnoldo, fier de ses 81 ans… et toujours cyclo-randonneur « longue distance »

Mais du ripio… en voilà de nouveau : Arnoldo me dit que, après la frontière, les Argentins n’ont pas asphalté la route comme l’on fait les Chiliens sur les 7 derniers km avant la frontière. Dès lors, je vais de nouveau avancer à du 5 ou 6 km/h jusqu’à Trevelin durant une journée. Arnoldo me souhaite un bon voyage.

Son sourire (voir photo), son dynamisme, son courage m’ont convaincu que je pourrai aussi continuer à randonner à vélo au moins pendant 10 ans ! Vous êtes donc prévenus, mes messages ne s’arrêteront pas le 16 mars 2019 et ce site internet continuera à vous donner des nouvelles de mes périples, site agrémenté depuis 2009 par les photos que vous appréciez, d’après les commentaires reçus dans vos courriels… merci !

Toujours du ripio en Argentine, mais celui-ci, dans le parc national « Los Alerces » est "amélioré"

Ici, dans le parc national « Los Alerces », je me sens encore chez moi !

Traversée dans le soleil et la pluie du parc national argentin « Los Alerces »

Plutôt sous la pluie, je suis prévenu : « alerte météorologique ». Les promenades de ce parc naturel sont fermées car ce mercredi 6 mars 2019 ne sera pas un « jour des cendres » mais un jour de pluie. Arrivé au camping libre mardi 5 mars vers 15h, le dernier avant la fin du parc national, le gardien me prévient : demain matin et déjà en fin de nuit, il faut s’attendre à beaucoup de pluie. Aussi, au lieu de planter la tente à l’extérieur, je la monte à l’abri sous le toit du local commun réservé à la cuisine.

Le lendemain matin, alors que la pluie m’a déjà bercé depuis plusieurs heures, arrive un jeune, trempé des pieds à la tête: il a dormi dans sa tente dans le camping adjacent et celle-ci (voir photo) est comme un bateau au milieu de l’eau.

Après une nuit chargée de pluie, la tente de German est comme un bateau au milieu de l’eau

German, voyageur à pied par monts et par vaux, avec des pratiques un peu particulières pour survivre dans la nature

Ce jeune menuisier de 25 ans a choisi de voyager le plus près possible de la nature. Par monts et par vaux, il traverse son pays, l’Argentine, à pied, en ne campant jamais dans un camping mais en dormant, souvent à la belle étoile, dans les forêts ou au bord des lacs… Dieu sait combien il y en a en Argentine !

Pour se nourrir, il pêche du poisson dans les rivières ou dans les lacs et lorsqu’il se trouve dans les montagnes, il a à portée de main une catapulte pour « s’offrir » un oiseau. Mais, comme pour me rassurer (il n’est pas un prédateur), jamais qu’un à la fois et uniquement « lorsque la faim se fait tenace. » Sinon, des amandes et fruits secs ou des fruits des bois suffisent à le nourrir.

Ce voyageur se rend à Ushuaïa à pied (encore quelques mois !) et remontera ensuite à Mendoza, sa ville Argentine, par le Chili mais en stop, cette fois. L’an prochain, il compte travailler quelques mois (comme menuisier au Danemark, il aura du travail comme il voudra et en plus bien payé). Il traversera l’Europe de la Norvège à l’Espagne, à vélo.

Déjà je lui ai dit qu’il pouvait passer nous dire bonjour en Belgique… et partager nos souvenirs de rencontres humaines et autres (la nature, le chant des rivières et de la pluie, la nuit au creux des insomnies, etc.)

A midi, German prépare les zakouski : du poisson qu’il a lui-même pêché et fumé, accompagné de morceaux de fromage; pendant ce temps, je prépare des pâtes… comme les autres jours, sauf que j’ai doublé la quantité.

A cause de la pluie, une journée de lecture pour German, voyageur à pied

La pluie devenant moins forte, je me décide de reprendre la route vers Cholila : il me reste 25 kms de mauvais ripio à parcourir. Cette fois c’est certain, ce sont les derniers… pour cette année ! Arrivé à Cholila, je cherche du Wi-Fi. J’arrive à la poste qui est fermée mais l’employé habitant juste à côté, m’invite chez lui, où il y a du Wi-Fi pour consulter mes courriels. A côté, le voisin accepte les voyageurs qui viennent demander pour « acampar ». Une bonne chose pour moi surtout qu’il y a de l’eau chaude !

Mes cartes postales enfin ont trouvé un timbre pour l’Europe

Ce jeudi 7 mars, à 8h, le bureau de la poste étant ouvert, je puis enfin acheter 3 timbres pour l’Europe. Rappelez-vous à El Chalten en Argentine, l’employée n’en avait plus et m’envoyait à 200 km de là. Au Chili, nouvelle tentative à Coyhaïque, une grande ville. Me présentant l’après-midi, l’employée me répond que les timbres internationaux ne sont vendus que le matin ! Ok, il faut de la persévérance pour envoyer des cartes postales en Patagonie… et ce n’est pas donné : l’équivalent de 4 euros par carte !

Du calme au bord d’un lac d’une limpidité exceptionnelle

Vendredi 8 mars, j’arrive de bon matin au bord du lac d’Epuyen, réputé pour sa transparence. Comme je suis seul, j’en profite car des endroits calmes comme celui-là, il n’y en a pas beaucoup. En effet, arrivent deux dames (dont une fume) avec trois chiens (des bergers Allemands) qui ne trouvent rien de mieux que de se jeter à l’eau. Bref, fini la quiétude, il est temps que je m’en aille… heureusement, je m’étais levé tôt !

La beauté limpide de l’eau du lac d’Epuyen en Argentine

L’aide de cyclo-randonneurs Néerlandais

Dimanche 10 mars, je longe de beaux lacs en route vers Bariloche. Le soir, je vois un couple de Néerlandais en train de camper dans un sous-bois. Je décide de camper au même endroit. Comme ma réserve de gaz est presque terminée, je puis bénéficier du réchaud de mes voisins, alimenté par de l’essence, ce que la plupart des cyclo-randonneurs longue distance utilisent.

Ces personnes ont la soixantaine et le lendemain, nous arrivons ensemble à San Carlos de Bariloche. Comme le monsieur est un très bon photographe (c’est sa femme qui me le dit), j’ai ainsi une très belle photo de mon arrivée… à la fin de la Transandine 2019.

Arrivée à Bariloche, terme de la transandina 2019, après 53 jours de route

Dernière boucle à la découverte de très beaux lacs près de Bariloche

Bariloche est réputée pour son chocolat (ce sera pour le dernier jour, lors des achats souvenirs à ramener en Belgique pour la famille) mais aussi pour la beauté de ses lacs. Comme il me reste un jour complet en réserve, je me rends en boucle vers l’ouest vers le lieu dit « Llao Llao » où il y a aussi un village qui fut habité par des migrants Suisses à la fin du 19ème siècle.

Après avoir admiré le coucher de soleil en haut d’un point de vue panoramique, j’ai passé ma dernière nuit sous la tente, dans un bois situé non loin de là. Personne n’est venu me déranger !

Accueil dans la famille de Marcelo et Graciela

Par l’intermédiaire de René Dardenne de Salzinnes, je suis entré en contact avec une famille de San Carlos de Bariloche: Marcelo et Graciela, qui ont quatre enfants. Très précieux pour passer les derniers moments avant le retour, lorsqu’il faut trouver une caisse pour emballer le vélo et pour se rendre à l’aéroport.

Sujet de discussion intéressant : le projet des « petites maisons » dans la province du Rio Negro, dont Bariloche est la ville a plus importante. Depuis quelques décennies déjà, un important projet de construction de maisons pour des familles nécessiteuses à été lancé sous l’impulsion d’un prêtre Français Claude Faivre du Boz et d'une coopérante belge prénommée Nelly.

Ce projet a été soutenu également par toute une équipe de la région de Meux au nord de Namur, sous l’impulsion de René Dardenne, par qui je suis entré en contact avec la famille de Marcelo. Celui-ci est architecte; c’est lui qui a réalisé les plans de ces maisons. Initié en 1986, ce projet compte actuellement plus de 5.000 habitations à son actif, construites selon le principe suivant: le terrain est attribué par l'état à une famille qui en devient propriétaire à condition de participer à la construction non seulement de sa maison mais aussi de celles des autres familles.

Le projet a été financé par des agences de développement comme Misereor en Allemagne ou le groupe belge de Meux mais aussi par des organismes d'Etat argentins.

Un message de plus pour notre réflexion pour les mois à venir

Sur le mur d'une cour de récréation de El Bolson en Argentine, j'ai été attiré par cette fresque dont le message peut nous inspirer, nous qui bientôt allons choisir des responsables politiques en charge de la politique d'accueil des étrangers ou bien des soins de santé, de l'éducation, etc ... vous pouvez compléter vous-mêmes.

"Le soleil apparaît (se lève) sur la terre pour tous les humains de la même façon !"

Parce que en fait... il n'y a qu'une seule race sur la terre : la race humaine !

Ce sont les enfants argentins qui le disent ! Mais avec les adultes que nous sommes, ce n'est pas nécessairement comme cela que cela se passe !

Oui, c'est la même personne, il s'agit bien de moi, avant et après être passé chez le "diminutif" également "diminuebarbe" pour l'occasion !

Léon Tillieux

À se revoir bientôt en Belgique... après une si longue absence !

Voici encore quelques photos :

Bonne nuit !

En Patagonie, je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer beaucoup d'enfants.
Ici, cette petite fille va chercher de l'eau à une source pour se rafraîchir.

Le voile de la mariée !

samedi 2 mars 2019

M08 Transandina 2019 : de Coyhaique (Chili) à l'Argentine

Voici la suite du voyage sur la « Carretera Austral », qui se termine pour moi, retour par l’Argentine oblige car c’est à Bariloche que je prendrai l’avion de retour en Belgique le 14 mars prochain.

J’aimerais un instant revenir sur la rencontre exceptionnelle avec le couple de Japonais. Norio accomplit un long voyage à pied durant trois ans en tirant une charrette depuis l’Alaska jusqu’à Ushuaïa. Voici encore une photo où l’on voit les visages rayonnants de ces personnes marchant pour la Paix.

Norio et son amie Maki

De Cohaïque à la frontière Argentine

Lundi 18 février, après l’envoi du message n°7, je prends la route de la « Carretera Austral » vers le Nord. Une longue montée dont une partie à pied à cause de travaux en cours. Une longue descente ensuite en passant par un tunnel.

Le long de la rivière Simpson, je rencontre les passagers de deux voitures arrêtées à l’entrée d’une propriété située le long de la rivière; ils attendent que le propriétaire vienne ouvrir la barrière; ils ont l’intention de camper en cet endroit merveilleux : un couple de Santiago et un couple d’Australiens apparentés aux premiers. Ils demandent au propriétaire si je puis aussi « acampar ».

Le propriétaire m’emmène au bord de la rivière et il fait déjà presque nuit lorsque je monte la tente. Le lendemain matin, Harry, l’Australien vient me chercher pour prendre le petit déjeuner avec eux. Lui et son épouse Christina ont dormi dans le break aménagé pour cela.

Rudimentaire leur équipement : une vieille pelle pour faire du feu avec du charbon de bois; une toile attachée par deux cordes pour se protéger du vent et de la pluie. Ce qui est incroyable : ils m’ont dépassé le matin sur la route au moment où je m’étais arrêté pour débarrasser celle-ci d’un gros caillou qui ne pouvait que rendre la route dangereuse pour les voitures mais surtout pour les motos, et les cyclistes !

En parlant de nos projets de voyage, Christina me dit en riant qu’à partir de 70 ans, « on commence une nouvelle vie », et oui certainement, pour moi aussi, et peut-être s’agit-il déjà d’une troisième vie... ? Et les rencontres se suivent toujours aussi chaleureuses et intéressantes.

Le matin du mardi 19 février, je rencontre un couple de Polonais (de mon âge) pédalant vers le Sud. Ils m’apprennent qu’un duo de belges me précède d’un jour ainsi que le couple d’amis de Suisse, Améline et Romain que je n’ai pas eu l’occasion de revoir à Coyhaique, ayant un jour de « retard » sur eux !

La pluie s’invite dès 10h du matin et ne me quitte pas durant la journée. Le soir non plus; heureusement, je trouve une maison inhabitée à vendre au bord de la route, là, je dormirai au sec !

Cuisine ancienne pour pâtes quotidiennes

Cinq cyclotouristes belges se rencontrent à Puyuhuapi

Samedi 23 février 2019, la journée commence par 15 km sous la pluie. A Puyuhuapi, je me réfugie dans un abribus en attendant l’ouverture du supermarché et de l’office du tourisme. Qui vois-je entrer à l’office de tourisme : Améline qui a passé la nuit dans un camping de la ville; la veille, avec Romain et deux filles belges, ils sont allés, en kayak (il ne faisait pas très chaud) aux thermes naturels situés dans le Fjord qui donne accès à l’océan Pacifique. C’est qu’ici, nous sommes à hauteur de la mer et ces thermes (eau chaude) ne sont atteignables que durant un quart-heure lorsque la marée est très basse.

Vers midi, les deux cyclotouristes belges dont m’avait parlé un couple de Polonais habitant aux Etats-Unis, deux jours auparavant, arrivent au camping de même qu’un couple de belges, eux aussi descendant vers le sud. Nous nous retrouvons donc cinq belges dont trois originaires de trois villages contigus faisant partie du grand Namur : Wierde, Andoy et Erpent.

Alexandra (originaire d’Erpent) voyage avec son amie Valentine de Bruxelles; je connais l’oncle d’Alexandra, Xavier Jadoul qui a travaillé au Brésil ainsi que pour l’ONG belge « Entraide et Fraternité ». Le monde est petit !

Quelques instants plus tard, Charles-Henry Gernay (originaire de Wierde dont faisait partie le village d’Andoy où j’ai passé mon enfance) et Delphine, son épouse rejoignent le groupe. Ces « jeunes » mariés ont entamé leur voyage de noces à Santiago, un voyage prévu pour huit mois en Amérique du Sud vers Ushuaïa, qui se prolongera par un autre périple en Amérique du Nord. Déjà, nous nous sommes promis de nous revoir en Belgique dans quelques mois.

La rencontre de cinq cyclotouristes belges au bord du Fjord de Puyuhuapi au Chili.
De gauche à droite : Valentine, Léon, Charles-Henri, Delphine, Alexandra.

Ce dimanche 24 février, le ciel est maussade, le soleil montrera sans doute le bout de son nez (et même un peu plus, nous l’espérons) l’après-midi. Nous repartons vers le Nord. Dans 100 km, à Santa Lucia, il est prévu que je quitte la Carretera austral car je bifurque vers l’Est, vers l’Argentine où mon périple se terminera le 12 mars prochain à Bariloche.

Après avoir du affronter une pluie diluvienne, nous nous arrêtons au bord d‘une rivière. Pour cela, nous avons franchi une barrière fermée et sagement, nous attendons l’arrivée (et la permission) du propriétaire pour monter nos tentes. Vue magnifique sur la rivière, repas partagé sous un arbre à deux pas de l’eau avec en plus un cyclo-randonneur suisse qui nous a rejoints. Intrépide, il prend un bain dans l’eau froide. « C’est après que l’on se sent bien » dit-il !

Les vélos et les tentes au lever du jour au bord de la rivière

Une journée plein soleil et de repos dans de l’eau thermale à 40°

Ayant calculé que j’avais encore quelques jours de réserve, je décide de prolonger quelque peu cette « Carretera Austral » en poussant jusqu’aux « termas d’amarillo », une soixantaine de km de Santa Lucia.*

Le Chili compte un nombre important de volcans et de sources thermales naturelles dont l’eau vient toute chaude de ces volcans. Ce mardi 26 février, journée complète de repos pour les cinq amis belges et suisses pour qui c’est la dernière journée commune. En effet demain, je bifurque vers l’Argentine, vers Bariloche pendant que les 4 autres prennent la direction de Puerto Montt, la fin pour eux (en fait c’est le début) de la Carretera Austral.

Pour Alexandra et Valentine, elles sont heureuses d’annoncer fièrement qu’elles ont dépassé les mille kilomètres sur cette route de légende. Pour un premier voyage longue distance à vélo, c’est pas mal. Il est vrai que pour ce voyage, elles se sont payé (à bon prix) des vélos de marque trouvés sur le net : des « Koga-Miyata » venant des Pays-Bas. C’est (ou plutôt c’était) considéré comme la « Rolls-Royce » du vélo. En tout cas elles pédalent bien avec ce genre d’engin. Quant au nom donné à leur duo, avec un petit clin d’œil pour la Belgique, elles ont choisi de s’appeler « les frites en selle », et cela fait rire, les Français surtout, mais nous aussi !

Léon (qui apprécie les frites) avec les "frites en selle"
alias Alexandra et Valentine de Bruxelles

Les deux Suisses et les trois Belges qui ont co-pédalé durant quelques jours, le dernier soir. De gauche à droite : Améline (CH), Valentine et Alexandra(B), Romain (CH) et Léon

Du mercredi 27 février au vendredi 1er mars 2019

Ayant quitté mes amis belges et suisses qui continuent leur route vers le Nord, je me retrouve sur une route en ripio en direction de l’Est vers l’Argentine. Je découvre un très beau lac et en m’approchant de la plage, je vois un pêcheur qui vient de prendre deux beaux poissons. Il m’aide à passer le vélo et les bagages au dessus de la barrière et à les descendre à l’endroit où je passerai la nuit. Je prépare le repas du soir quand le pêcheur avant de quitter le lac m’offre une canette de bière, bienvenue car au magasin de Santa Lucia, il n’y en avait pas !

Le lendemain, alors que je m’arrête pour le pique-nique du midi, je vois arriver un tandem. C’est un couple de Catalans qui s’expriment en Français (ils exercent la profession de kinés en France). Ils sont partis pour un périple de deux ans au moins en parcourant le Brésil (y compris l’Amazonie), l’Equateur (le Rio Napo par où j’ai commencé la Transandina 2009 et où travaillait ma petite cousine française Amélie), la Colombie, le Pérou, la Bolivie et l’Argentine.

Ils roulent en tandem et sont vraiment sympas. Ils espèrent arriver à Ushuaïa, avant les grands froids. Comme logo, ils ont choisi ceci : « Burn fat, not oil », ce qui veut dire dans la langue de Voltaire : « brûlez de la graisse (la vôtre), mais pas du pétrole ! »; c’est-à-dire qu’il vaut mieux se dépenser en pédalant et ainsi faire fondre sa graisse plutôt que de brûler du pétrole (et ses dérivés, essence, etc) et d’engraisser les Sheiks Arabes et autres actionnaires des multinationales du pétrole ! Bien dit, ne trouvez-vous pas ?

Un couple de Catalans très sympathiques, préférant s’exprimer en Français qu’en Espagnol, ils m’ont raconté leur long périple en Amérique du Sud.

Le soir, un peu de pluie, je m’arrête dans un abribus pour me cuisiner les pâtes quotidiennes. Un peu fatigué par le « ripio » et une « belle » longue montée dans la vallée du Futaleufu où l’on pratique le rafting, je décide de passer la nuit à cet endroit, je serai ainsi au sec !

Arrivé à Futaleufu, ville frontière entre le Chili et l’Argentine, j’ai du bon WI-Fi à la bibliothèque communale, d’où je vous envoie ce message. Ce sera sans doute bientôt le dernier de ce voyage 2019. Il y en aura encore un à la fin du voyage à Bariloche, où j’étais arrivé l’an passé.

Au plaisir de vous informer.

Léon

Il semble que vous appréciez les photos en voici donc !

Le soleil termine son travail par les cimes des montagnes les plus élevées

Pour bénéficier de ce spectacle (4 minutes), il faut se trouver au bon endroit, au bon moment, et se lever tôt !

Fleurs du pays un peu après la pluie

mardi 19 février 2019

M07 Transandina 2019 : de Cochrane à Coyhaique

Voici la suite du voyage sur la « Carretera Austral » … une route avec beaucoup de rencontres de personnes voyageant avec des moyens très différents les-uns des autres. Une route avec beaucoup de solidarité, cela vous l’aviez déjà lu dans les messages précédents.

Le bleu du lac Carrera au Chili

De Cochrane à Coyhaique

Mardi 12 février, je ne me suis mis en route qu’après-midi à partir de la ville de Cochrane, d’où je vous ai envoyé le message précédent. A la sortie de la ville, surprise : la route est asphaltée. Certains diraient : « il doit y avoir des élections municipales prochainement ? ». Je ne sais pas; toujours est-il que c’est de courte durée : après 500 mètres, je retrouve le « ripio » mais amélioré; je puis rouler normalement toute la montée du premier col et la descente; ensuite je retrouve les graviers « roulant », ce qui m’oblige à mettre pied à terre souvent.

Peu de rencontres de cyclistes; deux filles de Santiago font un bout de la carretera. A mon avis, pimpées comme elles sont, elles viennent de prendre le départ : l’équipement (casques, vêtements, lunettes) semblent sortir tout droit d’un magasin de sports « new look » et n’est pas encore marqué par la poussière de la route. Courageusement, en poussant leur vélo, elles entament la côte que je viens de descendre (plusieurs kilomètres) en quelques minutes. Elles mettront s’en doute beaucoup plus de temps. Mais elles ont l’air de savoir que ce sera difficile, « carretera austral » oblige !

Deux jeunes de Santiago qui expérimentent la « carretera austral »

Le lendemain mercredi 13 février, alors que je prenais une petite pause dans un abribus à Puerto Bertrand, un village situé sur la rivière Baker (aux eaux d’un bleu rarement vu), un monsieur s’avance vers moi avec du chocolat. C’est un Finlandais, Taneli Roininen qui a voyagé durant 4 ans à vélo autour du monde et qui fait découvrir (en voiture) à ses parents et à sa compagne chilienne par où il est passé.

Lui sait combien c’est dur de voyager dans de telles conditions; c’est la raison pour laquelle, il me donne du chocolat (j’étais justement en manque) et également à une allemande qui vient d’arriver et prend la même direction que moi. Le lendemain, c’est un Polonais qui arrête son 4x4 pour me donner le même chocolat au lait : celui que j’aime !

Une famille finlandaise, une copine chilienne (à droite) et une allemande à vélo qui, comme moi, a reçu du chocolat pour reprendre des forces !

Heike, de Hanover, 44 ans (sur la photo à gauche) est partie de Ushuaïa fin décembre 2018; elle prend le temps (40 kms par jour); elle compte traverser l’Amérique du Sud et aller jusqu’au Canada. Deux, trois ans ou plus, le temps ne semble pas compter pour elle !

Le soir je plante la tente non loin d‘une rivière se jetant dans le lac Carrera, d’un bleu également éclatant ! Sûr qu’ici, il n’y aura pas de bruit … ce ne sera pas comme au camping de Cochrane, où des jeunes ont fait du bruit en jouant aux cartes et en rigolant sans retenue jusqu’à 4 heures du matin. Il y a comme çà des gens qui ignorent que la nuit est faite pour dormir, et que les autres ont besoin de respect.

Quant à moi, je préfère fuir les campings bruyants… sauf lorsqu’il me faut du WIFI et du courant pour recharger les batteries de mes appareils. Je préfère bénéficier du calme de la nuit champêtre que d’aucuns qualifieront de sauvage, rien de comparable au bord d’une rivière. Il s’agit de la même différence entre un lever de soleil et un feu d’artifice éphémère !

Durant deux jours, j’ai longé un lac immense, le lac Général Carrera; avec ses 970 km carrés, il s’agit du lac le plus étendu du Chili et le second lac en superficie d’Amérique du Sud, après le lac Titicaca (Pérou – Bolivie). Les Tehuelches, les habitants de la région (précédant les Conquistadores Espagnols) l’appelaient Chelenko; à leur époque, ils n’avaient sans doute pas de général à mettre à l’honneur.

Ce lac déborde sur le territoire argentin où il porte tout simplement comme nom « Buenos Aires ». Décidément les Tehuelches étaient mieux inspirés pour donner un nom aux lacs !

Le bleu du lac « Général Carrera »

Jeudi 14 février, j’arrive à Puerto Tranquilo à 15h. De suite je prends le départ d’une excursion en bateau sur le lac Général Carrera vers les « cathédrales de marbre » sculptées par la mer, il y a très longtemps. Etonnantes grottes et excavations – appelées cathédrales ou chapelles de marbre - où le bateau nous emmène. Au retour, le vent est devenu très fort. Nous recevons un équipement pour nous protéger de vent violent (encore lui !) et de l’eau projetée dans le bateau, où nous résistons !

Les « capillas » de marbre, sculptées par la mer

Vendredi 15 février, il est déjà 17h quand j’entame l’ascension d’un col qui me mène à 600 mètres d’altitude quand j’aperçois une dame et des enfants; je me dis « enfin je vais pouvoir rencontrer des habitants de la région» Et bien non : la dame me parle en Français, c’est une famille de Clermont-Ferrand qui campe dans le coin et qui voyage pendant un an, à vélo.

Partis de Lima, ils vont vers le Sud à raison de 20 km par jour. Les trois filles ont moins de 10 ans et c’est la maman qui donne classe chaque jour pendant une heure, dans la tente. J’ignorais qu’il y avait une école ambulante dans cette partie du Chili. Sûr que les enfants en garderont un souvenir impérissable.

Samedi 16 février, la route en « ripio » est particulièrement mauvaise; aussi c’est avec bonheur que j’apprends de la bouche de deux cyclistes chiliens venant en sens inverse que la route a été récemment bétonnée, 10 km avant d’arriver à Vila Cerro Castillo. Je décompte les kilomètres !

La route en « ripio » (tôles ondulées) provoquées par le passage répété des véhicules.

La nouvelle route : finie la poussière !

Marcher pour la paix durant 3 ans et sur plus de 30.000 km depuis l'Alaska, c'est le défi relevé par Norio, le japonais

Dimanche 17 février, après une nuit reposante dans une ferme, j’entame le col qui selon le fermier est très très long. Deux heures après mon départ, j’arrive au sommet : j’ai parcouru 10 km. Dans la descente, rencontre surprenante avec Norio Sasak, un japonais parti d’Alaska, il y a trois ans déjà. C’est qu’il n’a pas de vélo comme la plupart des cyclo-randonneurs que je rencontre. Il tire une charrette avec son matériel de camping. Il lui reste trois mois pour arriver à Ushuaïa… d’où je viens ! A raison de 30 à 50 km par jour.

Son amie Maki Nagahama l’a rejoint depuis un mois. Ils sont très heureux que je passe un peu de temps pour m’intéresser au projet de Norio. Quand je lui demande pourquoi il relève ce défi, il montre sa charrette sur laquelle il est écrit en anglais : « Je voyage à pied à travers le monde et j’ai expérimenté plusieurs situations de défis. Mais j’ai rencontré beaucoup de gens merveilleux, aussi vais-je continuer à marcher avec un sourire fier en espérant que cela aidera le monde à atteindre la paix ! »

Sûr que des gens comme Norio, il en faudrait beaucoup pour que le monde tourne mieux. Mais vous connaissez l'histoire du colibri qui essaye d'éteindre l'incendie : il fait ce qu'il peut, et c'est sa part ! Sûr que la part de notre ami japonais, c'est celle d'un fameux colibri !

En compagnie de Norio, marcheur infatigable qui aura parcouru plus de 30.000 km d’Alaska à Ushuaïa, pour promouvoir la Paix !

L’après-midi, je dois m’arrêter vers 15h : le vent s’est levé et il est difficile d’avancer sans se fatiguer inutilement. J’ai demandé l’hospitalité dans une ferme et j’attendrai un lendemain qui sera plus calme, espérons-le !

Histoire de la « Carretera austral »

Il est venu le temps de vous parler de l’historique de la « Carretera austral » sur laquelle je me trouve. Au début de mon voyage, je ne voulais pas en entendre parler, sachant combien les conditions de circulation sur cette route sont difficiles. Mon ami des Pyrénées André Etchélecou a tenté par deux fois de la parcourir ces dernières années avec chaque fois pas mal de problèmes. Mais rappelez-vous les conseils du vététiste de 75 ans d’El Calafate, qui m’ont convaincu de changer d’itinéraire.

Le long de la carretera austral, il y a de beaux chevaux !

Sur le guide touristique qui date de 1996 (mon premier voyage au Chili avec la FIMARC), le tracé de la carretera austral ne va pas au-delà de Cochrane. 20 ans après, la route a été tracée en « ripio » depuis O’Higgins, avec de nombreux ponts, ouvrages solides, obligatoires pour enjamber les innombrables rivières qui descendent des montagnes. Cette région australe était totalement isolée avant la réalisation de ce projet colossal.

Ce projet merveilleux est cependant lié au nom d’un personnage qui a marqué terriblement – en lettres de sang - l’histoire du Chili : il s’agit du Président Augusto Pinochet, installé (le 11 septembre 1973) avec la complicité de la CIA étatsunienne (un pays qui se vante de vouloir promouvoir la démocratie dans le monde). La « Carretera Austral Presidente Pinochet » qui a porté son nom jusqu’à ce qu’elle soit heureusement débaptisée, a été initiée selon ses ordres en 1976. Le tronçon central fut inauguré en 1983 et progressivement complété vers le Nord (Puerto Montt) et vers le Sud jusque Cochrane.

Du jeudi 7 février au samedi 16 février 2019, depuis le lac de O’Higgins jusque Vila Cerro Castillo, j’ai parcouru un peu plus de 500 km sur cette route de légende qui a été ouverte récemment et qui n’est pas encore ni bétonnée, ni asphaltée. Le fameux « ripio » empêche aux vélos de rouler normalement. En revanche, les véhicules à moteur, de plus en plus nombreux - tourisme oblige - soulèvent des tonnes de poussière lorsqu’il ne pleut pas.

Heureusement, en partant tôt, quand les touristes dorment encore où prennent le temps de prendre leur petit-déjeuner, l’on peut respirer un peu. Mais à partir de 10h, à certains moments, cela devient infernal, lorsque 10 voitures, camions et bus se suivent. Heureusement, à partir de ce 16 février, je suis sur les tronçons bétonnés ou asphaltés; il y aura encore de temps en temps des passages en « ripio », pour que l’on n’oublie pas par où l’on est passé et sué !

Revenons un temps à Pinochet. Il semblerait selon certaines sources que le travail de ce projet d’ouverture d’une route par ailleurs essentielle pour le désenclavement d’une région aux potentialités énormes, notamment en matière de tourisme, a été rendu possible par le concours de nombreux jeunes miliciens, durant les années 1976-1980. Plusieurs sont morts dans des conditions de travail très difficiles. Ici, en effet, l’hiver est terrible ! De temps en temps au bord de la route, un écriteau rappelle le « sacrifice » de soldats morts lors d’accidents.

Le sang d’un soldat, qui selon l’expression souvent utilisée sur les monuments de guerre « jamais n’a été versé en vain. » A mon avis - mais vous savez que j’ai souvent un avis différent - c’est le contraire qu’il eut fallu écrire !

Je suis bien arrivé à Coyhaique, capitale de la Patagonie, ce lundi 18 février 2019, malgré une brève pluie le matin et un vent très fort de face. Heureux de vous envoyer ce message; je vous retrouve dans une semaine. Il me reste 850 kms à parcourir en trois semaines jusque San Carlos Bariloche en Argentine.

Léon Tillieux

Montée en lacets, avec beaucoup de lacets durant 5 km

M06 Transandina 2019 : de El Chalten à Cochrane

Je vous retrouve au Chili, voici le compte-rendu des derniers jours, d’une Transandina qui n’est pas toujours à l’image d’un « long fleuve tranquille »

Dernier regard sur la montagne du Fitz Roy en Argentine au coucher du jour

De El Chalten au lac du désert : 39 km de vélo sur une route en « ripio »

Lundi 4 février 2019, après avoir une dernière fois admiré le soleil levant illuminer la magnifique montagne du Fitz Roy, je prends la route vers le Nord, direction « lago del desierto ». Trois cyclistes français me rattrapent. Craignant un problème avec ma chaîne, j’ai besoin d’un dérive-chaîne, le mien ayant rendu l’âme. Cinq minutes et le problème est résolu ; je puis aborder la « careteira austral » sans trop de craintes.

Nous faisons connaissance : Vincent, Nicolas et Damien sont partis pour un long voyage à vélo jusqu’en Colombie, espérant y arriver à l’automne. Sur le badge de leur voyage, il est marqué en espagnol : « seis ruedas - cinco piés ». Ayant pris du retard, Damien, originaire de Rocroi, à deux pas de chez nous, me dépasse ; c’est à ce moment que je me rends compte qu’il a une jambe artificielle… d’où le nom de leur trio : « six roues pour cinq pieds ». Les trois amis, travaillant dans le domaine d’économie d’énergie, ont préparé ce voyage durant un an et ont pris une longue pause-carrière pour l’accomplir et réaliser leur rêve.

Le courage de Damien me rappelle une image qui est restée gravée dans ma mémoire depuis 1961 et qui explique en partie comment, lors de mes voyages à vélo, je parviens à dépasser les difficultés qui se présentent à moi. En juillet de cette année-là, au Tour de France, Rik Van Looy avait gagné la première demi-étape du jour qui arrivait avenue Bovesse à Jambes; l’après-midi, une seconde demi-étape contre la montre par équipe était organisée en circuit à Jambes.

Avec mon oncle Rémi de Strud et son vélo presque aussi âgé que lui, ainsi qu’un ami prénommé Joseph d’Andoy, nous étions allés à vélo d’Andoy à Erpent (tout au plus 3 km), là où il y avait le garage Aunalux. Plus d’un demi-siècle plus tard, le site est toujours à l’abandon… nous sommes tout près de Namur !

Au retour, mon ami et moi, nous râlions parce qu’il fallait monter les 400 mètres de la côte de « la Perche » vers Andoy, nom qui fut donné par les conducteurs de charriots tirés par des chevaux qui remontaient des mines de derle du « fond d’Andoy » ; arrivés au sommet, avant d’entamer la descente vers Namur, l’on attachait les chevaux à « une perche » (d’où le nom du carrefour et de la côte).

Mais revenons à nos vélos ; alors que nous étions descendus de machine, un jeune gars nous dépasse, sans descendre de vélo et pour cause, il n’avait qu’une jambe et sans béquille ni jambe artificielle; il n’aurait jamais pu faire comme nous. Une image qui m’est revenue en voyant le courage de Damien.

Avec Vincent, Damien et Nicolas, l'équipe "6 roues et 5 pieds" en route vers la Colombie

Arrivés à temps pour prendre le bateau qui traverse le « lago del desierto » dans sa longueur, mes amis prennent un bain dans une eau bleue transparente. Toutefois le lac porte bien son nom; c’est un véritable désert : pas le moindre magasin, pas moyen d’acheter le moindre réfrigérant !

Arrivés au nord du lac, les amis s’arrêtent pour camper pour la nuit. Après avoir passé la frontière argentine, je me décide à commencer l’ascension. L’on m’avait prévenu : 6km de montée par un chemin, difficilement empruntable par des Vététistes, si bien qu’avec un vélo bardé de 40 kg de bagages, c’est pratiquement impossible, à moins de décharger les bagages et les monter un à un vers le sommet… et bien sûr de redescendre pour aller chercher la bicyclette.

Je croise au moins une quinzaine de cyclo-randonneurs qui vont vers le Sud. A un moment quatre espagnols me croisent. J’entends une des filles dire en espagnol à son copain : « Il faudrait aider le vieux ! ». Le gaillard, baraqué comme un judoka, monte quatre de mes sacs sur 500 mètres en moins de deux. Il me demande en Espagnol « c’est des boules de pétanque que tu transportes ? ». « Et bien non, de la nourriture et de l’eau, puisque l’on m’avait dit que c’était un désert ! »

Le soir, je plante ma tente au « mirador » d’où j’ai une vue splendide sur le lac et le Fitz Roy, toujours bien visible à l’horizon et ce – une fois de plus - avec un magnifique coucher de soleil.

Un parcours de vététiste pour rejoindre le lac de Vila O’Higgins

Le lendemain matin, parti de bonne heure pour parcourir les 4 km restant, bourrés d’embûches, de passages de rivière sur des ponts branlants, un itinéraire interminable au profil de « montagnes russes » ; une erreur de parcours m’emmenant à un cul de sac me faisant perdre du temps. Peu de gens me croisent ou me dépassent.

Un couple de Londoniens, à pied me dépasse; je les retrouverai un peu avant la frontière, m’offrant une partie des fruits qu’ils ne peuvent consommer et avec lesquels il est interdit d’entrer au Chili. Rappelez-vous ma mésaventure l’an passé à la frontière chilienne en route vers l’île de Chiloé.

Une autre rencontre très encourageante fut celle d’un couple sympathique de Tallinn en Estonie. Laura et David, le bagage léger, me rattrapent et me ramènent un de mes sacs que j’avais déposé au pied d’une terrible montée, croyant que je l’avais perdu. David, très sympathique se propose alors de porter le bagage jusqu’à la fin du passage difficile. Il restait un km. Vers 14h, me voilà à la fin du passage difficile : six heures pour 4 km, avec une erreur de parcours et un temps repas, mon estomac le réclamant légitiment, vous m’aurez compris !

Après avoir retrouvé le bagage au sommet, il me restait à parcourir les 14 kms jusqu’au contrôle de frontière chilien. Les derniers kms, la pente étant tellement dangereuse, je descendais doucement et malgré cela une chute à cause de ce foutu matériau utilisé pour les routes argentines et chiliennes : le fameux « ripio », des graviers dont une partie roule comme des billes de roulement de bicyclette !

David (le porteur de bagages) et Laura de Tallinn en Estonie

Arrivé au camping, je retrouve les randonneurs qui m’avaient dépassé. Nous parlons du bateau qui viendra le lendemain nous chercher. Viendra-t-il, ne viendra-t-il pas… tout dépend du vent qui s’est levé ? Y en aura-t-il un à 14h ? Il semble que oui aux dernières nouvelles. Mes amis Français ne pourront le prendre car ils ont déjà réservé par Internet pour celui de 17h, et ce n’est pas la même compagnie.

Quant à moi, je n’ai pas acheté à l’avance, ne suivant pas l’exemple de mes amis suisses, Améline et Romain, qui apparemment ont deux jours d’avance ; je leur fais un petit coucou par l’intermédiaire de ce message. La température s’est bien radoucie. Au camping, très rustique, il parait qu’il y a moyen de prendre une douche chaude. Nathalie, une des randonneuses se charge de faire du feu pour chauffer l’eau du réservoir : « dans une heure, nous pourrons prendre une douche ! » Mais y en aura-t-il pour tout le monde ?

Traversée du lac d’O’Higgins

O’Higgins, homme important dans l’indépendance du pays. Voir sur Wikipedia, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus. Le bateau qui devait partir théoriquement à 14h, partira en fait à 16h30. C’est un petit bateau rapide. Le vent fort sur le lac soulève des vagues terribles que le bateau affronte de face. Le bateau commence à se soulever et à retomber aussitôt avec grand bruit.

Le capitaine nous demande de nous regrouper dans le fond du bateau pour diminuer l’impact de la houle. Après deux heures, nous débarquons à Bahia Bahamondèz à 7 km de Vila O’Higgins. Je dépasse cette ville de cinq km et je demande l’hospitalité dans la dernière maison sur la route vers Yungay.

Une petite ferme avec quelques vaches et moutons ; 4 chiens (attachés) annoncent mon arrivée. Le fermier (79 ans) m’invite à passer la nuit dans une grange « car il va pleuvoir » dit-il ! Il m’invite à prendre un café ; son épouse (86 ans), le dos courbé par une vie dure de travail, me prépare des tartines, du bon beurre (de ferme) et du fromage. Bel accueil – un de plus - à inscrire dans mes carnets de voyage.

Le lendemain matin, le couple dort encore quand je me mets en route ; je ne trouble pas leur repos et je prends la route de la « carretera australe » (remarque, avec l’écriture espagnole correcte « careteira » c’était plutôt du portugnol !)

Vers Yungay sur le lac du Rio Bravo

L’itinéraire comptant 100 kms entre Vila O’Higgins et le lac de Yungay où nous prendrons le bateau, passe par 4 cols. Après 40 km de route, trois têtes connues me rattrapent, ce sont les amis du trio « Damien » ; un quatrième français, Philippe (un jeune retraité de 62 ans, grand-père de 9 petits-enfants)s’est joint au trio ; il vient du Brésil … où il a eu très froid !

Tous les cinq, nous campons au même endroit : une des rares maisons situées sur l’itinéraire. Je plante ma tente à côté d’un énorme engin de chantier. La pluie s’invite durant la nuit. Le matin, je pars à l’avance … je serai rattrapé au sommet du troisième col. Nous croisons des Français qui réalisent la liaison vélo entre Cartagena (Nord de la Colombie) et Ushuaïa, « ville du bout du monde … à l’extrême Sud ».

Quant à nous, nous arriverons pratiquement ensemble au port de Rio Bravo, une demi-heure avant le départ du ferry qui nous emmène à Puerto Yungay. Ce trajet faisant partie de la « carretera austral », c’est l’Etat chilien qui prend en charge le coût de la traversée … bonne affaire pour notre budget bien entamé par le coût des traversées en bateau des jours précédents (40 + 60 dollars, vélos gratuits heureusement) !

Le ferry que nous empruntons porte le nom du « Padre Antonio Ronchi ». Bien avant que la « carretera austral » relie ce coin perdu au Nord du pays, ce missionnaire italien a travaillé durant plusieurs décennies pour apporter l’essentiel nécessaire au développement d’une région défavorisée : des écoles, des centres de santé, des bibliothèques.

Dans le bateau, parmi quelques revues touristiques, il y a un exemplaire d’un document pastoral de 2005 lequel, dix ans avant celui de « Laudato Si » du Pape François, traite de l’enjeu crucial de l’environnement. Cette région du Chili encore pratiquement intacte, représente un enjeu majeur comme la forêt Amazonienne : ici, ce sont essentiellement les réserves d’eau alimentées par des glaciers, qui lentement risquent d’être mises à mal.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que des intérêts aussi fous que ceux qui lorgnent sur la forêt Amazonienne et sont depuis longtemps en train de la détruire, viennent perturber cet écosystème, bien si précieux pou l’humanité. Ceci dit, bravo à toux ceux qui manifestent et prennent des initiatives en Belgique et ailleurs concernant le climat… vous voyez que, malgré le manque de WIFI , je suis quand même un peu l’actualité !

Tortel, une ville d’eau… de pluie !

De l’autre côté du lac du Rio Bravo, un chalet nous accueille gratuitement avec d’autres randonneurs : nous serons à l’abri et au chaud : chacun prépare son petit repas. Demain, nous prévoyons d’aller au village de Tortel, un village où – parait-il selon Philippe  – « il pleut 360 jours par an ». Je prévois de partir à l’avance, étant persuadé que mes copains finiront par me rattraper facilement dans un des cols !

C’est bien ce qui s’est passé : une étape très dure, rendue encore plus dure par une pluie soutenue. Tortel porte bien son nom : la ville la plus arrosée du Chili; en « Brusseleir », l’on dirait « le pispot » du pays. Dans cette ville, les maisons situées non loin de l’eau ne peuvent être atteintes que par des passerelles et des escaliers. Pour installer nos tentes, nous devons tout descendre (vélos et sacs) en plusieurs allers-retours. Nous installons nos tentes sur de petites terrasses en bois. A notre disposition, marteau et clous pour éviter que la tente ne s’envole. Oui ici aussi, nous retrouvons le vent !

Le lendemain matin, levé très tôt comme d’habitude, mon voisin vient m’aider à monter le vélo et les sacs jusque la place du village où les bus viennent chercher les passagers. Il s’agit d’un Australien qui voyage avec son épouse et leurs deux enfants de 6 et 8 ans et ce, à vélo et en tandem durant cinq mois. Ils prennent le départ comme nous vers le Nord.

Vers Cochrane

Ce dimanche 10 février, la pluie s’est arrêtée ; de temps en temps, nous bénéficions du soleil. Le soir avec l’équipe des Français, nous campons au bord d’une rivière. Vincent et Nicolas s’essayent à la pêche mais rentrent bredouille. Ils devront – comme souvent - se contenter de pâtes ! Quelques gouttes de pluie quand même, un arc-en-ciel s’ajoute au paysage. La journée n’a pas été trop dure en dénivelé. Demain, ce sera bien différent pour rejoindre la ville de Cochrane où j’espère avoir du WIFI pour communiquer avec Danielle et envoyer ce message.

Arrivés au sommet du col (5 km) : Léon, Vincent et Philippe

Cochrane - lundi 11 février 2019 – 18h30 heure locale

Bien arrivé à Cochrane après une journée interminable … alors qu’il n’y a « que » 62 km au compteur ce soir. Au petit matin (lever à 5h50) la tente est toute givrée mais je n’ai pas eu froid, la toile épaisse de ma tente Salewa (achetée en 2001 pour mon premier long voyage à vélo vers la Roumanie) garde la « chaleur humaine » ; quand à Vincent et Nicolas, ils ont eu froid … dans leurs tentes plus légères !

Je pars à l’avance comme d’habitude et ne serai rattrapé qu’à un km du sommet du col important de la journée (cinq km de long). Je suis fier de moi… je n’ai pas mis pied à terre durant l’ascension malgré les bagages. Dans la descente, Nicolas casse sa chaîne, bien vite réparée par une fausse-maille que je lui avais donnée. Au loin, on entend les hélicoptères qui tentent d’arrêter un feu de forêt. Le ciel bleu (c’est rare ici) est voilé par la fumée dégagée.

La dernière partie de la route semble interminable : de vraies montagnes russes avec en plus de « la tôle ondulée » sur une bonne partie de la route aujourd’hui. Les amis rejoignent Damien qui a pris une pause dans un « hostal » durant deux jours et est arrivé ici en bus. Quant à moi, je passe la nuit dans le camping situé au centre ville après avoir dégusté mon menu préféré du poulet et des frites au restaurant.

Il est vrai que lorsque l’on commande des pâtes au restaurant, l’on vous sert une quantité pour un moineau… c’est un peu « peu » pour un cycliste ! Quant aux courses pour la suite du voyage, je suis ravi : j’ai trouvé une bonbonne pour mon camping-gaz dans le magasin jouxtant le camping. Heureusement, car, vu les risques d’incendie, il est interdit de faire du feu le long de la route … le briquet que j’ai acheté ne servira donc pas … ce qui tranquillisera notre ami cycliste Philippe, un des Français avec qui j’ai parcouru une « belle » partie de la « Carreteira austral » !

Merci à celles et ceux qui ont répondu aux messages précédents ; demain mardi 12 février, je continue cette « carretera australe » vers Cohaïque … d’où j’enverrai le prochain message. Je vous donnerai des explications historiques concernant cette fameuse route, unique en son genre dans le monde … et empruntée par des dizaines de cyclo-randonneurs de tous les âges … de 7 à 77 ans (ouf, comme dirait aussi Philippe … j’ai encore le temps)!

Léon Tillieux

Dans la fameuse montée depuis le "lac du désert" vers celui d'O'Higgins avec le "Fitz Roy"

lundi 4 février 2019

M05 Transandina 2019 : de El Calafate à El Chalten

Chers amies et amis de la Transandina, voici le compte rendu de la « randonnée » à vélo entre El Calafate et El Chalten, toujours en Argentine.

Le Fitz Roy et les montagnes environnantes, à 50 km avant d'arriver à El Chalten

Un coup de téléphone de la Radio Namuroise

Vendredi 25 janvier, à 6h56 je reçois un sms de Théo Mertens, animateur à la Radio RCF Namur, chanteur pour enfants et aussi pour adultes : « j’appelle dans 4 minutes ». Grâce au téléphone fixe du camping (merci à la dame déjà levée), nous pouvons échanger sur les nouvelles importantes de la Transandina à l’attention des auditeurs, comme ce fut déjà le cas pour les voyages précédents. Par exemple ce qui suit :

Sur un panneau routier : « hôpital dans 220 km »

Quand vous pédalez sur une route patagonne et que vous lisez un tel panneau, vous redoublez de vigilance pour ne pas tomber et vous blesser, comme un malheureux guanajo, que j’ai vu prisonnier des fils de la clôture qu’il a voulu sauter mais en ratant son coup ! Il n’y avait bien sûr pas de service de secours pour lui … et les rapaces se sont régalés !

Autre anecdote : « des timbres postaux si c’est possible ? »

Une autre anecdote : voulant envoyer trois cartes postales dont une à Ferdinand Marlet, mon ami qui va fêter ses 90 ans fin février, je cherche trois timbres postaux. Je me rends par conséquent à la poste de la ville de El Chalten, « le Chamonix de l’Argentine », où il y a des centaines de randonneurs ; je m’attends donc à une très longue file.

Que nenni, un seul client demandant une chose impossible, si bien que cela dure… et cela m’énerve ! Entretemps une randonneuse française arrive pour acheter un timbre afin d’envoyer une carte postale à sa grand-mère, sans doute pas encore « branchée internet » ! (Certains diront - peut-être irrespectueusement - " Comment est-ce possible ? ").

Finalement, la gentille dame à qui je demande trois timbres internationaux, me répond qu’elle n’en a plus, qu’il y en aura dans une semaine et que si j’en veux, je puis me rendre… à El Calafate, à 216 km de là (heureusement le vent est « poussant » dans cette direction !). Qui croira encore qu’à l’avenir il y aura toujours un bureau de poste près de chez vous ? Quant à mes cartes postales, elles attendront le Chili, si bureau de poste il y a, avec des timbres ? Quant à toi Ferdinand, je sais qu’une gentille dame de ton entourage imprime mes messages courriel, ainsi tu verras que je ne t’oublie pas !

Un conseil de sage pour changer d’itinéraire

Vendredi 25 janvier, départ à 9h ; emporté par le vent et dans le sens de la descente, je parcours 32 km en deux bonnes heures, laissant El Calafate derrière moi. Un VTTiste me dépasse et quelques km plus loin, après avoir fait demi-tour (son tour quotidien), il s’arrête pour « bater um papo » comme on dit en brésilien.

Je lui dis que je vais vers le Nord, vers Carlos Bariloche, via Perito Moreno. En bon sage (il me devance de 5 ans), il me donne un conseil : ne pas prendre cette route qui me ferait passer par plusieurs centaines de km sans possibilité de ravitaillement… et où il n’y a rien à voir : un véritable désert dans tous les sens du terme ! En revanche, il me conseille, comme me l’ont déjà dit plusieurs cyclo-randonneurs rencontrés depuis trois semaines, de prendre la « careteira austral », cette dure mais belle route qui traverse la partie extrême du Chili sur plusieurs centaines de kms, dans le sens de la longueur (en largeur, ce ne serait pas très long).

D’ici El Chalten, je dois encore réfléchir et prendre une décision. Un cycliste allemand qui en revient, me donne des détails importants si je passe par là : prendre des réserves de nourriture ; il n’y a pas de vent mais parfois de la pluie. Il faut parfois prendre un bateau mais pour un des lacs, il n’y a pas de bateau tous les jours… donc il faut camper en attendant. Bon je suis prévenu.

Un hôtel à l’abandon squatté par les cyclotouristes

Une grande amitié naît automatiquement des rencontres entre cyclotouristes qui se croisent. Echange d’informations sur l’état des routes, les distances, la météo… et les possibilités d’hébergement. Celles-ci ne sont pas nombreuses dans le désert patagon. Il y a parfois des maisons abandonnées où j’ai déjà passé la nuit à l’abri. Il y a aussi deux hôtels qui ont fermé leurs portes au bord d’une route où il y a finalement peu de circulation ; des touristes oui mais qui filent directement vers El Chalten, El Calafate, Torres del Paine, etc. Dans un de ces hôtels, j’ai pu me cuisiner des pâtes à l’abri.

Sur les murs, remplis de graffitis, dessins et commentaires dans toutes les langues, l’on peut passer son temps à lire les nouvelles et les émotions exprimées par des solitaires, des couples, parfois des familles qui ont choisi de se lancer dans de très longs voyages, qui durent parfois plusieurs années… témoins les photos ci-dessous.

Des Français ont réalisé la liaison Quito – Ushuaïa, je ne suis donc pas le seul à l’avoir fait. Mais eux, apparemment en un seul voyage !

Une expérience de vie qui rendrait les personnes pédalantes plus humaines ?
Conseil à suggérer à certains de nos ministres belges (surtout du Nord du pays) !

Le petit « Renard du désert » de Patagonie

Rien à voir avec l’un des généraux allemands de la guerre 1940-1945 en Afrique du Nord (Rommel), mais d’un gentil animal qui s’approche des voitures qui s’arrêtent sur le parking du « mirador » d’où il est possible d’admirer les chaînes des montagnes des Andes marquant la frontière entre Chili et Argentine, dont le fameux « Fitz Roy ».

Ainsi voici une belle photo de ce gentil animal qui semble dire « Je voudrais bien que tu me dessines un mouton, mais s’il te plait, un que je n’ai jamais vu, un beau mouton de ton pays, car ici, il y en a tellement et ils sont tous pareils ! » et une autre photo croquant les regards – humain et canin – captivés par cet animal qui n’a rien de bien méchant.

Un autre petit animal qui a risqué sa vie en traversant la route devant moi. 
Heureusement il n’y avait pas de poids lourd à ce moment-là !

Du vent de nouveau en voilà, qui m’oblige à marcher à côté de mon cheval et de le pousser !

En roulant vers El Chalten, vers l’Ouest, c’est en plein contre sens du vent. Au début, cela va mais aujourd’hui, ce dimanche 26 janvier 2019, alors que levé à 3h, parti à 4h05, j’avais pu rouler une dizaine de km sans vent, celui-ci s’est levé et est devenu de plus en pus fort. Après avoir dû pousser ma monture durant 5 km, j’ai décidé d’arrêter, de monter la tente et d’attendre le lendemain matin, en me levant encore plus tôt, dès 3h pour espérer parcourir les 25 derniers km sans trop de difficultés. « Vederemos ! »

De belles rencontres

Samedi 26 janvier, au bord du lac de Viedma que l’on suit durant près de 90 km, je croise un groupe de 4 cyclistes qui ont démarré leur voyage à El Chalten le matin-même. Les vélos, les sacs « ortlieb » sont neufs, les deux hommes et les deux femmes, semblent être en forme : ils pédalent poussés par le vent et rencontrent leur première côté un peu sérieuse.

Trois brésiliens et un italien, l’occasion de me réhabituer à ces deux langues que j’aime car très chantantes, qui de plus est avec des personnes charmantes. Et puis une bonne nouvelle : une des brésiliennes, prénommée Christina et l’italien du groupe ont initié leur belle histoire d’amour, en Europe, sur le chemin de Compostelle ! Pourquoi pas la continuer sur la route vers Ushuaïa ? Mais cette fois, à vélo !

Des cyclo-randonneurs « heureux » d’Italie et du Brésil

Le vent d’où vient-il ?

Il est vrai comme dans une des chansons que me rappelle mon ami Yves de Gentbrugge dans un courriel reçu : « le vent souffle où il veut, mais tu ne sais pas d’où il vient et tu ne sais pas où il va ». Toutefois, en ce qui me concerne, quand il m’empêche d’avancer, je sais bien qu’il est de « face », peu importe d’où il vient et quand j’avance plus vite que je ne le souhaite - excusez-moi l’expression - je sais bien qu’il est « de fesses » et peu importe où il va, pourvu qu’il m’emmène à bon port !

Une photo avec un vent qui est de « face »

En attente du soleil

A El Chalten, alors que j’avais pu voir la magnifique montagne du Fitz Roy (3.405 m) à plus de 70 km à vol d’oiseau, lorsque j’arrive, tout est dans le brouillard. Le froid s’installe, les randonneurs venus ici pour s’adonner à leur sport favori, doivent attendre des jours meilleurs ou partir malgré tout dans le brouillard.

Au camping, je retrouve mes amis suisses, Améline et Romain qui m’annoncent qu’ils restent encore quelques jours pour un long trekking de 4 jours et - bonne nouvelle - que le soleil s’invite fin de semaine. Me voilà en repos 4 jours ; je choisi d’attendre et de ne pas perdre l’opportunité de m’approcher d’une des plus belles montagnes d’Amérique (du Sud).

Une nuit à l’abri dans un abri prévu pour protéger les animaux du vent

Cherchant un endroit calme pour planter ma tente, je découvre à quelques centaines de mètres du départ de la randonnée vers le Fitz Roy, un endroit chouette pour être à l’abri du vent et du regard : un abri prévu – il y a longtemps – pour que les humains (et sans doute aussi les animaux) puissent se mettre à l’abri du vent (des vents, car ici il faut toujours parler au pluriel).

C’est ainsi que j’installe ma tente un peu comme Alexandre et Sonia Poussin (voir « Africa Trek », récit en deux volumes d’un long voyage à pied du Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud, jusqu’en Palestine) dans un abri entouré de branches d’arbres et d’épines. Mais eux, c’était pour empêcher les hyènes et autre animaux dangereux de les importuner durant leur repos nocturne. Ici pas question de cela, les dernières chèvres ont déserté le lieu depuis que des centaines de randonneurs passent par ici avant de monter vers d’autres paysages.

Un bel abri pour la nuit, à l’abri du vent et des animaux sauvages et la tente est invisible !

Un vélo suisse rebaptisé « Léon »

Parfois les vieux que nous sommes inspirent des plus jeunes, comme en témoigne le courriel reçu de deux cyclotouristes suisses en route sur la « careteira austral ».

« Salut Léon! Super ton article: oui les Suisses sont en pleine admiration devant ce "vieux" en pleine forme qui a réussi à braver le vent ! Je ne te l'ai pas dit mais j'ai d'ailleurs nommé mon vélo "Léon". Je sais ainsi qu'il ne me lâchera jamais même s'il n'est pas tout neuf ! Demain (30 janvier) nous partons pour faire 4 jours de trek. Nous partons donc le dimanche 3 février pour O’Higgins (1er ferry à 16h30) et le 2eme ferry nous le prendrons le lundi 4 à 17h. Tu seras probablement déjà parti... peut être nous reverrons nous sur la carreterra australe. Profite bien du Fitz Roy. Et que le vent soit avec nous pour le vélo » Signé Améline et Romain de Fribourg

Améline et Romain, cyclo-randonneurs suisses, partis de Ushuaïa, à peu près au même moment que moi, rencontrés le long de l’océan Atlantique en Patagonie et retrouvés à El Chalten. Au vu de la couleur des sacs, fraîchement sponsorisés, il apparaît que ceux-ci n'ont pas vécu autant que les miens !

Enfin la randonnée du Fitz Roy a eu lieu

J’ai bien fait d’attendre le vendredi 1er février pour démarrer vers le Fitz Roy, bien équipé de ma tente Salewa (déjà âgée de 18 ans mais toujours aussi résistante au vent et à la pluie, munie de deux nouvelles tirettes en acier cousues par mes soins. Et oui, on peut se faire à tous les métiers), de mon matelas gonflable Thermarest (qui a malheureusement un petite fuite depuis deux jours, vraisemblablement à cause d’une épine), de mon camping gaz et d’une bonne réserve de nourriture et d’eau.

Une boucle de trois jours me permettant de monter jusqu’à la « laguna Torre », en campant le premier jour non loin de là, ensuite au campement Poincenot pour, très tôt le matin du dimanche 3 février, dès avant le lever du jour, monter à la « laguna de los tres » pour admirer un lever du soleil comme il n’y en a que très rarement !

Avec un sac à dos de location, j’ai parcouru une quarentaine de kilomètres en montagne. Le lever du soleil sur les montagnes surplombant la « laguna Torre » a été rouge feu au moment même où le soleil se pointait à l’horizon (voir les très belles couleurs sur les photos ci-dessous).

Le lendemain dimanche, parti dès 4h15 pour gravir les deux km extrêmement difficiles jusqu’au pied du « Fitz Roy ». Le soleil s’est fait attendre et la cinquantaine de spectateurs furent quelque peu déçus : des nuages à l’horizon contrariaient l’apparition du soleil ; celui-ci jeta - mais un peu tard - ses rayons sur les flancs des montagnes à pic. Pas de rouge flamboyant comme la veille, il n’en reste pas moins que toute la journée, ces magnifiques montagnes (certainement les plus belles d’Amérique du Sud) furent majestueuses, dans un ciel serein, comme vous pourrez les admirer sur les photos jointes.

« Il y a toujours une foule nombreuse pour admirer un feu d’artifice, mais peu se donnent la peine de s’éveiller avant l’aube pour admirer un lever de soleil »

Tel est l’objet d’une dissertation dont je n’ai jamais oublié le titre et que j’ai eu le bonheur de rédiger en Rhétorique au Collège de Bellevue en 1966 (« meu Deus, que c’est loin déjà ! »), avec le regretté professeur Joseph Thibaut. C’est avec beaucoup de bonheur que j’ai eu l’occasion de vivre cette expérience unique au pied de la montagne de la tour, située un peu au Sud du Fitz Roy.

D’aucuns me diront qu’un feu d’artifice c’est quand même merveilleux et il se trouvera toujours un politicien ou l’autre pour dire que finalement, cela ne coûte pas si cher que cela aux finances communales… et que finalement, cela distrait les gens ! Bref du pain et des jeux pour amuser les citoyens : les empereurs romains, en leur temps, avaient déjà compris ! Combien de temps faudra-t-il encore pour que l’on puisse éveiller les consciences humaines autrement ?

En route vers la « careteira austral »

Ce lundi 4 février 2019, je prends la route vers une autre partie très difficile de mon voyage : retour au Chili, pour commencer la fameuse « careteira austral ». Des détails dans un prochain message. Je n’aurai guère de couverture réseau ni de Wi-Fi, dès lors ne vous attendez pas à avoir de mes nouvelles si facilement. Mais un jour, ce sera possible.

A bientôt. Léon Tillieux - Transandina 2019

Les photos suivantes concernent, en premier lieu les Tours du Fitz Roy, ensuite un glacier proche du Fitz Roy et enfin les belles couleurs au lever du soleil sur la tour de la "laguna Torre"




samedi 26 janvier 2019

M04 Transandina 2019 : de Puerto Natales à El Calafate

Chers amies et amis de la Transandina, une nouvelle semaine s’ouvre ce dimanche 20 janvier. Je reprends le vélo pour me diriger vers le Nord-est et rentrer en Argentine.

Le glacier Perito Moreno en Argentine, un des glaciers les plus admirés

Une première journée sans vent

Génial quand le vent est absent, c’est très facile de pédaler vers le Nord. Je passe la frontière chilienne à Cerro Castillo à 60 km de Puerto Natales. Trois jeunes attendent un lift pour El Calafate. Pas beaucoup de chance pour eux, avec une voiture en moyenne par heure ! Je ne sais combien de temps ils devront attendre. Je leur souhaite bonne chance, mais harnaché comme je suis (du moins le vélo), je ne puis même pas en charger un… ou une !

Attention, il y aura du vent (des vents) !

Dans le no man's land entre les deux frontières, la route chilienne toute neuve est construite en béton. Quant à la partie argentine, elle est en cailloux (en « pisio » comme on dit en espagnol). C’est vrai que le Chili avec ses mines de cuivre est dans une situation financière meilleure que leurs voisins, qui vivent la crise depuis des années… et une corruption importante (ils ne sont pas les seuls). Pour l’ex-présidente péroniste Cristina Kirchner, l’action en justice est en cours !

Passé la frontière, après 70 km, j’estime en avoir assez pédalé pour la journée. Je demande dans une ferme pour pouvoir « acampar ». C'est oui tout de suite : le responsable des ouvriers agricoles m’indique le dortoir et me convie au repas à 19h30 avec les autres ouvriers. Bonne soupe avec riz, pommes de terre et morceaux de poulet. Ils sont nombreux les bergers (7 ou 8). Iici, je me trouve dans une très grande ferme avec 28.000 moutons. Comme je dors à côté de l’enclos aux agneaux, cela va bêler cette nuit !

Pas de matelas mais l'accueil c'est déjà bien !

Une partie des 28.000 moutons de la ferme, ici les agneaux

Deux journées avec 60 km de « ripio », du vent changeant, du bon et du « pas bon du tout »

En Argentine, quand on retrouve la « Ruta Nacional 40 » (qui traverse toute l’Argentine du Nord au Sud du côté Ouest) et ses mauvais tronçons, pour nous les cyclistes et les motocyclistes, c’est vraiment la bête noire : les roues s’enfoncent dans les cailloux et le vélo, comme un cheval qui se cabre, s’arrête sans crier gare. Il faut sauter d’un côté à l’autre de la route, pour prendre la trajectoire la moins mauvaise.

Ca cogne bien fort. Résultat, la roue arrière légèrement voilée. C’est la première fois de sa vie que cette roue (elle vient, comme le vélo Da Silva, de parcourir son 40.000e km) connait un problème. Mais j’ai de la chance sur cet itinéraire : le vent ¾ arrière me pousse, même dans les montées. Sans cette aide providentielle, j’aurais du pousser le vélo !

Le fameux "ripio" des routes argentines, la terreur des cyclistes et des motocyclistes

Mon "Da Silva" a 10 ans (merci à la "Maison du vélo" de Bruxelles) et 40.000 km dans les jambes (plutôt "les miennes" !)

A mi parcours, j’aperçois une ferme ; je pousse la barrière (sans cadenas) ; le berger me montre un local, où d’autres cyclistes intercontinentaux ont déjà passé la nuit avant moi. Ce berger, seul pour 5.000 moutons, me semble bien triste et m’explique toutes les difficultés de sa vie solitaire. C’est vrai que des moutons, ce n’est pas vraiment une compagnie intéressante ! Heureusement, il y a de temps en temps des voyageurs qui s’arrêtent pour la nuit !

Quand la mauvaise route se termine, la route asphaltée me mène vers le Nord Ouest. Là le vent a changé et de ¾ face il m’empêche d’avancer à plus de 3 km heure. A un moment, à l’arrêt, une rafale m’envoie par terre avec « mon cheval ». Un jeune automobiliste fait demi-tour pour me porter secours… mais plus de peur que de mal !

Après 21 km de parcourus sur l’après-midi et une montagne d’efforts, je décide de monter la tente dans un creux, à l’abri du vent. Je me dis que celui-ci sera moins fort le lendemain matin. Et oui, levé à 3h du matin, je démarre à 4h dans la nuit et je parcours le reste de l’itinéraire (73 km) jusque El Calafate à plus de 14 km de moyenne : ce 23 janvier, pas le moindre vent ! Un écossais me dépasse. A un carrefour, je fais un signe à un des rares conducteurs : je suis à sec d’eau. Je reçois une bouteille pour me dépanner.

A El Calafate au camping, surprise, je retrouve mes amis Amélie et Romain de Fribourg en Suisse ; ils étaient derrière moi sur la route vers Porvenir ; ils étaient allés voir les pingouins. Ils m’ont dépassé (en bus) pour aller faire du trek dans le parc national des « Torres del Paine » et finalement se sont retrouvés un jour devant moi. Sympas les jeunes… tout d’admiration pour « le vieux » qui, à un certain moment les devançait et dont ils avaient des nouvelles de par les cyclistes pédalant en sens inverse.

Le glacier Perito Moreno : impressionnant !

Incontournable, un des glaciers les plus importants et en tout cas un des plus beaux du monde. Une journée légèrement pluvieuse mais le glacier est là devant nous, majestueux. De temps en temps, un grondement vient du glacier, comme s’il s’agissait d’un tir de mine. Le glacier avance lentement et de temps en temps un pan de glace s’écrase avec fracas dans le lac l’entourant.

Sur la plaque d’inauguration datant d’octobre 1991, reconnaissant ce glacier comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité, il est écrit ce qui suit (en espagnol) :

« Ces glaciers, générés il y a des siècles et des millions d’années au flanc des montagnes sont les témoins permanents de ces masses qui faisaient partie de la planète durant ces deux derniers millions d’années et qui présidèrent au fantastique épisode de la naissance de l’humanité. Puisse l’homme préserver ce site et se préserver lui-même pour que les générations futures puissent toujours contempler cette source de vie. »

Une belle déclaration engageante, tellement différente des âneries émises par les climato sceptiques.

La transandina sur RCF Namur

Demain vendredi 25 mars, je repars vers le Nord vers El Chaltén et le massif du Fitz Roy. Mes amis suisses sont partis ce matin (en bus) ; ils m’ont renseigné sur les treks les plus intéressants à parcourir, dont un à parcourir dès avant le lever du soleil. Avec un peu de chance, nous nous rencontrerons une troisième fois. 220 km jusque là : je prévois 4 jours… tout dépend du vent et surtout de sa direction !

Mais avant, demain matin, j’attends un coup de fil de Théo Mertens (un chanteur pour enfants bien connu) qui est actuellement animateur à la radio RCF Namur.

A vous retrouver dans une bonne semaine.

Léon Tillieux

Quelques photos, du passé argentin et de la faune rencontrée :

Charrette du temps des "pionniers" conquérant la Patagonie, comme au temps du "Far West" étasunien!

Des Nandous, très peureux et capables d'atteindre une très grande vitesse

Un rapace omniprésent au bord des routes : il "nettoie" les cadavres d'animaux renversés par les voitures

dimanche 20 janvier 2019

M03 Transandina 2019 : de Punta Arenas au parc naturel de "Torres del Paine"

Chers amies et amis de la Transandina, un tout grand merci à celles et ceux qui ont répondu à mon message envoyé du Chili le dimanche 13 janvier dernier. Voici la suite de mes aventures de découvertes au Chili.

Les tours de granit du parc national chilien du Paine

Une nuit dans une ferme d’élevage de moutons « Corriedale »

En route vers le Nord du Chili, vers Puerto Natales, après 36 km en affrontant un vent fort toujours de face, je me résous à tenter ma chance de trouver un hébergement, en entrant dans la propriété d’une ferme. Pourquoi pas, le portail, pour une fois est ouvert ?

A un km de la route, se dressent les bâtiments de la ferme « Tehuel Aike Sur ». Je cherche quelqu’un, un homme passe la tête par la fenêtre, me demande d’où je viens et dit au propriétaire à l’intérieur de l’étable « un estrangeiro ! ». J’appris par la suite que le fermier acceptait souvent d’accueillir des étrangers (en Belgique ce n’est pas nécessairement comme cela comme cela, n’est-ce pas Monsieur Francken ?).

Eduardo, le « berger » aide le fermier à rentrer les moutons pour la nuit, pas tous les moutons, mais quelques-uns sélectionnés pour participer au concours annuel de la foire où en mars, l’on élit les plus beaux moutons d’une race importée d’Angleterre : les « Corriedale » réputés pour leur laine. L’étable est couverte de dizaines de médailles de ce concours. Pour protéger les toisons de la pluie, des insectes et multiples saletés que les moutons risquent d’emporter avec eux lors de leurs escapades, l’on couvre ces quadrupèdes de belles couvertures rouge ou bleu, qu’il faut enlever pour la nuit.

La journée est longue pour Eduardo et il est près de 20 heures quand il m’emmène chercher un gigot dans une chambre froide, en vue du repas du soir. De mon côté, j’amène des pâtes et une sauce qui seront ajoutées à la viande découpée lorsque celle-ci aura mijoté durant plus d’une heure sur un vieux poêle à bois.

Eduardo me raconte sa vie, surtout la partie (10 ans) passée au Brésil, durant les années noires du sinistre Pinochet, lorsque beaucoup de démocrates et d’opposants à la dictature s’enfuirent en Europe ou ailleurs, s’ils ne voulaient pas que le désert d’Atacama soit leur cimetière… où aucune victime n’a été retrouvée ni identifiée (voir le très beau film du réalisateur chilien Patricio Guzman intitulé «Nostalgie de la lumière»).

Eduardo a vécu au Brésil comme vendeur de rue, dans le Nord-Est, où selon lui il était très facile de « s’enrichir » (pour survivre) en vendant des lunettes de soleil, des jouets, des vêtements, etc. C’est ainsi que nous avons pu parler Portugais. Il m’a expliqué également toute la dureté de son travail de berger, 365 jours par an. Il s’est retrouvé seul car l’autre berger a trouvé un travail moins dur. Car du travail il y en a, dans une ferme où il y a 5.000 moutons, où chaque animal dispose d’un hectare. Vous pouvez vous représenter l’étendue de cet élevage.

Eduardo recueille plusieurs peaux de cadavres des animaux égorgés par des « soros », une sorte de Coyote qui ne laisse aucune chance à sa victime. Même la laine de ces peaux récupérées est tondue car elle vaut de l’or. Cette belle laine « carriedale » est expédiée par balles de 200 kg en Europe notamment.

Pour améliorer la race, le fermier se rend régulièrement en Nouvelle-Zélande pour acheter des reproducteurs certifiés, qui se tapent un long voyage en avion jusque Santiago ! Les meilleurs valent un million de pesos chiliens, soit près de 5.000 dollars étatsuniens !

Il est près de 23 heures, quand je me couche, bien au chaud dans mon sac de couchage ; de grands grillages en lattes de bois croisées de plus de 4 mètres de haut, entourent la maison afin de réduire l’impact du vent.

Le matin, à 7h, Eduardo se réveille en sursaut, il n’a pas entendu le réveil… les moutons attendent déjà, une longue journée de travail commence pour lui. Quant à moi, je bois en hâte un café et je quitte cet homme courageux, fan d’Aznavour, de Piaf, des Beatles et de Manu Chao avec qui j’ai passé une inoubliable soirée, en parlant du Brésil et de tant de choses qui émaillent ses dures journées de berger, dans une région, la Patagonie où il fait vraiment dur de vivre.

Plusieurs nuits dans des refuges au bord de la nationale 9

Je prends la route toujours vers le Nord. Il n’y a pas beaucoup de circulation, impossible de garder une trajectoire rectiligne car le vent est toujours aussi déroutant. Quand je risque d’être déséquilibré par des rafales vraiment trop fortes, je choisis de rouler sur le côté gauche de la route pour voir les voitures arriver et m’arrêter sur le côté de la route en leur laissant libre passage plutôt que de me faire attraper par un véhicule venant de l’arrière et que je ne vois pas venir. Car une rafale peut m’envoyer en un instant au milieu de la route… ou dans le fossé !

Je croise un couple de Français qui s’arrêtent : Frédérique et Yves viennent d’Alaska, eux aussi ! Ils m’indiquent une cabane où passer la nuit… dans 35 km. Après environ 6 heures de « pédalage » à une moyenne de 6 km/h, j’aperçois cette cabane, ouverte, réservée aux cyclistes. Il y a un lit, le matelas n’est pas à ma taille… mais je serai bien à l’abri du vent jusqu’au lendemain !

Les Français m’avaient prévenu de l’arrivée d’un couple de Belges, que je n’ai pas ratés dans le petit village de Villa Tehuelches, un des rares noms qui ne soit pas à consonance hispanophone. Médecins tous les deux, Séverine et Antoine font un long périple de San Martin de los Andes (en Argentine) jusque Ushuaïa et ensuite partiront de Mexico jusqu’en Colombie via l’Amérique Centrale. Un bon apprentissage pour relever des défis avant d’exercer ce fameux métier de médecin !

Très sympas, ils racontent leurs aventures et me suggèrent un itinéraire bis pour aller à San Carlos Bariloche via Chile Chico et une partie (goudronnée) de la fameuse Careteira Austral chilienne au lieu de m’époumoner sur les routes argentines venteuses. Mais d’ici là, il y aura encore du vent qui aura « coulé » sous les roues et même un peu plus haut jusque dans le visage. Celui-ci (le mien) a changé de physionomie – vous ne vous en doutez pas – d’autant plus que je ne retrouve plus mon rasoir. De toute façon dans les maisons abandonnées où je dors il n’y a pas de miroir !

Des Belges sympas de Mettet et de Jodoigne en route vers Ushuaïa

Deux nuits de suite à l’abri dans une maison abandonnée

Dont la première renseignée par les policiers du village de Morro Chico, chez qui les cyclistes "intercontinentaux" (comme nous appelle Pierre Doumont, rédacteur en chef de Canal C) peuvent trouver de l’eau.

La seconde, le soir du 16 janvier, la maison un peu en retrait de la route semble inhabitée. La porte de devant est fermée mais celle de derrière, oh surprise est ouverte. C’est-là que je passe la nuit après avoir continué à écrire ce message, et après avoir cuisiné les très quotidiennes pâtes à la sauce bolognaise, en me servant d'appui sur un très vieux poêle !

Arrivée à Puerto Natales, site préhistorique et trek aux « Torres del Paine »

Jeudi 17 janvier, la route n’est pas trop balayée par le vent sauf les derniers kilomètres en approchant de Puerto Natales au Chili, durant lesquels je dois descendre de machine si je ne veux pas me retrouver par terre. Le matin, lors de la visite d’une ferme, la cuisinière m’a offert un bon café avec du pain maison.

A l’entrée de la ferme, les touristes sont invités à voir des Lamas mais ceux-ci sont enfermés en un lieu sûr éloigné de la ferme, car des chiens errants, devenus sauvages, s’attaquent à ces animaux. Les guanajos que l’on voit souvent dans les grandes étendues de la Patagonie sont de la même famille de « camelidés » que les lamas, de même que les alpagas et les vigognes, que l’on rencontre plutôt dans les autres pays Andins : Equateur, Pérou, Bolivie et dans le Nord du Chili et de l’Argentine (cfr Transandina 2009 et 2013).

Heureusement, le vent s’est calmé pour monter la tente dans le camping « Guino » à Puerto Natales où de nombreux backpackers ont déjà monté la leur. Génial : les palettes pour protéger du vent !

Ce vendredi 18 janvier (jour d’anniversaire pour Danielle), je prends un jour de repos complet, bien mérité après 761 km de selle … et aussi pour échanger par Skype, profitant du Wi-Fi, totalement inconnu dans les grandes étendues patagones en dehors des villes !

Après midi visite d’un site préhistorique semblable à celui de Goyet ou celui de Spy avec trois cavernes où les hommes (et sans aucune doute leurs femmes aussi) ont vécu ou survécu au climat très rude de l’époque. Ils croisaient certainement un animal très grand, appelé Milodon, aujourd’hui disparu et découvert par Hermann Eberhard en 1895.

Ces hommes des cavernes étaient les ancêtres des « Patagons », ces indigènes baptisés ainsi par les Espagnols car ils étaient très grands et avaient de long pieds. Certains avaient les yeux bleus, peut-être comme les Vikings dont ils pourraient être les descendants. Une chose est sûre, ce n’est pas Colomb (et toute son armada) qui a mis le premier le pied sur la terre des Amériques. Il faudra revoir nos livres d’histoire !

Caverne du site du Milodon à 25 km au nord de Puerto Natales

Samedi 19 janvier, à 7h du matin, je prends un bus pour un trekking jusqu’aux « Torres del Paine ». Ce sont de véritables tours de pierre de granit, comme vous pouvez le voir sur la photo. Le sentier ressemble à une autoroute pédestre au vu du nombre de marcheurs, surtout en ce mois de janvier.

Le seul à dépasser de temps en temps la limite de vitesse permise est le vent, qui risquerait bien d’envoyer par-dessus bord un randonneur s’approchant trop du précipice. Une belle mais dure randonnée jusqu’au « mirador » des tours : 4 heures de montée en ce qui me concerne (4h30 prévues en moyenne), une heure au sommet et 4 heures pour redescendre. Au sommet, une randonneuse chinoise se met à chanter ; je lui demande la permission d’enregistrer sa voix en filmant ce paysage unique : c’est sublime, malgré les bruits du vent et éclats de voix des personnes présentes.

Dimanche 20 janvier : en route vers Calafate en Argentine

La route vers Ushuaïa est fort prisée par les cyclo-randonneurs longue distance, dont plusieurs viennent d’Alaska. En 13 jours, j’en ai compté 56 pédalant dans le (bon) sens du vent et 2 seulement (des Suisses de Fribourg) dans l’autre sens, celui que j’ai pris… vers le Nord !

Dans une semaine, d’autres nouvelles de la Transandine venant de Calafate. Bonne semaine, malgré le froid qui arrive !

Léon Tillieux depuis le port de Puerto Natales au Chili

dimanche 13 janvier 2019

M02 Transandina 2019 : de Ushuaïa à Punta Arenas

Enfin du Wi-Fi disponible ce samedi 12 janvier 2019 pour vous communiquer le récit des premiers 500 km de cette route en Patagonie !

En route vers Ushuaïa via Madrid et Buenos Aires

En ce second jour de 2019, après un bel « au revoir » à ma compagne Danielle, une fois de plus ma conductrice attentionnée, j’embarque à Zaventem avec le vélo auquel la compagnie Air Europa fait un beau cadeau : pour la première fois, mon fidèle destrier voyage gratuitement… mais ce ne pas pour longtemps : à Madrid, avant d’embarquer, l’on me réclame le paiement de ce « bagage spécial hors dimension » !

Le voyage se passe normalement de même que l’embarquement à Buenos Aires pour la Patagonie avec une escale à Trelew, au milieu de nulle part. Arrivé à Ushuaïa, après le remontage du vélo, je fais connaissance avec celui qui sera mon meilleur allié ou mon pire ennemi : le vent, omniprésent en cette région du monde, la plus proche de l’Antarctique.

La température n’est guère élevée, même si nous sommes en ce mois de janvier, le mois le plus chaud de l’été austral avec une température moyenne de 11 degrés. Ricardo, un cyclotouriste argentin qui durant deux ans visite tous les parcs nationaux de son pays, me dit que la température maximum à Ushuaïa en janvier est de 15°, avec une pointe à 18° très rarement (au point que ce jour-là certains prennent congé pour en profiter).

Dans l’avion, dans un journal madrilène, je prends connaissance de l’investiture du nouveau président Bolsonaro au Brésil : une entrée en grandes pompes à Brasilia, dans une Rolls Royce (la voiture du citoyen brésilien moyen comme chacun sait). Fidèle à son programme, alors qu’il n’en est qu’à son premier jour, le nouveau président a déjà supprimé la FUNAI, un organisme créé en 1967 dans le but de protéger les droits des peuples autochtones au Brésil. Etrange… car en 1967, c’était bien les militaires qui étaient au pouvoir au Brésil !

De cette façon, il aura moins de bâtons dans les roues pour s’attaquer à la forêt amazonienne. Etrange aussi dans son allocution d’investiture, comme l’ont fait dans le passé d’autres présidents étas-uniens et d’autres encore, Bolsonaro invoque l’aide de Dieu. Si cela pouvait au moins l’inspirer dans les décisions qu’il prendra. Mais comme nous nous en doutons malheureusement, l’interprétation de certains versets évangéliques risquent de subir un fameux « lifting » ! Comme au temps de la conquête de l’Amérique dite « latine » par les « conquistadores » espagnols et portugais. En Patagonie, comme vous allez le voir, ils firent encore pire : ils n’en laissèrent aucune trace !

La « Terre de Feu » terre de conquête et de génocide (Wikipedia)

Avant l'arrivée des Européens, la région était habitée par des Amérindiens depuis près de 12.000 ans. Les Selk’Nams étaient essentiellement des chasseurs-cueilleurs, alors que les Yagans et Alakalufs étaient des pêcheurs nomades vivant dans les nombreux canaux. C'est d'ailleurs les feux allumés par ceux-ci, et qui étaient visibles depuis l'océan, qui donnèrent son nom à l'archipel. Les noms de Terre des Fumées et Terre des Feux furent choisis par Fernand de Magellan, premier Européen à atteindre les îles et à traverser le détroit qui porte son nom, en 1520. Le roi Charles-Quint nommera officiellement et définitivement l'archipel Terre de Feu.

Lors du premier voyage du navire anglais « HMS Beagle » en 1830, quatre amérindiens de Terre de Feu furent capturés pour être présentés devant le roi et la reine du Royaume-Uni, où ils accédèrent d'ailleurs à une relative « célébrité. » … comme lors de l’exposition de Tervuren fin du 19èmesiècle lorsque les Belges importèrent quelques indigènes congolais … dont 7 moururent de froid et de maladie. Les trois survivants « patagons » retournèrent en Terre de Feu avec le Beagle en compagnie de Charles Darwin.

Au XIXe siècle, les Européens installés sur ces îles (éleveurs, pêcheurs, exploitants de mines d’or) y ont perpétré de terribles massacres et transmis des maladies, réduisant à presque rien les populations autochtones. La souveraineté argentine sur la moitié orientale de la grande île fut établie progressivement tout au long du XIXème siècle. À partir de 1880, l'île fut le théâtre d'un des faits les plus atroces de l'histoire argentine. Des milliers d'indigènes amérindiens furent massacrés par des bandes de tueurs à la solde d'immigrants anglais et croates, propriétaires d'estancias. Cinq livres sterling étaient payés pour chaque indien mort, qu'il soit homme, femme ou enfant.

Les Selk’Nam se protégeaient du froid avec des peaux de guanajos (voir plus loin)

Un aventurier richissime d'origine roumaine, Julius Popper, qui avait établi sa propre loi sur l'île et formé ses propres bandes de tueurs, se vantait alors d'être un « chasseur d'Onas » et exhiba ses propres photos à ce propos. Bien que les pères salésiens aient dénoncé ces horreurs et que leurs rapports soient arrivés au Congrès National à Buenos Aires, rien ne fut fait pour les empêcher, ni pour punir les coupables. Il est vrai qu'à l'époque le président argentin n'était autre que l'ex-général Julio Argentino Roca, celui-là même qui avait conçu et mené la campagne génocidaire anti-indienne dite « Conquête du Désert » en Patagonie. La purification ethnique se poursuivit jusque dans les années 1920.

Après le génocide… d’autres intérêts

Dans le cadre de l'année polaire internationale, la France mena une expédition scientifique en Terre de feu entre 1882 et 1883. L'institution en zone franche, puis la découverte de gisements de gaz naturel et de pétrole ont permis un renouveau de l'économie de cette région.

C'est à partir des années 1980 que le tourisme a fortement progressé, grâce notamment à la réputation de la région pour la pêche sportive dans les rivières à l'image de « bout du monde » dont bénéficie la Terre de Feu. De « la ville la plus australe », Ushuaïa, partent de nombreux bateaux de croisières vers le cap Horn, vers l'Antarctique, dans les canaux fuégiens.

Le Parc national Tierra del Fuego, le canal de Beagle et ses îles sont aussi très visités par de nombreux touristes du monde entier et, parmi eux, de temps en temps, des courageux… à vélo. Car face aux vents, aux températures peu élevées de Patagonie (même en été), il faut être « bardé » de courage et de détermination. Ne vous en faites pas, comme d’habitude, j’en ai pris une bonne dose avant le départ !

De Ushuaïa (Argentine) au port de Punta Arenas (Chili)

La première journée en Terre de Feu fut consacrée à un trekking pour une première mise en jambes : 3h30 de montée pour un dénivelé de près de 1.000 mètres pour découvrir un très beau panorama sur le canal de Beagle, les îles du Sud (la plus extrême mais non visible étant le Cap Horn) et les dernières montagnes Andines qui ne sont pas à comparer à celles du Pérou et de Bolivie.

Au milieu du canal de Beagle, sur une presqu'île, l'aéroport de Ushuaïa

Le soir au camping, nous nous retrouvons à 4 campeurs de 4 pays différents : outre Ricardo, Argentin, il y a Leonardo, un étudiant Colombien et Lisa, une jeune professeure allemande, venue pour des trekkings en Patagonie, une Sueli « bis » voyageant avec un petit sac à dos et une tente de 1,3 kg. Rien à voir avec mes sacs totalisant 30 kgs. Il est vrai que j’ai fait le plein de réserve de nourriture (dont deux pots de choco) au supermarché, car je vise l’autonomie pour plusieurs jours.

Rencontrer des jeunes de pays différents nous aide à comprendre que 20 euros n’a la même valeur selon le pays dont on est le ressortissant. Leonardo s’est acheté une tente à 15 euros, mais n’a pas de double toit, si bien qu’il s’est acheté un film plastique supplémentaire, mais qui ne résistera pas longtemps aux vents patagons. Nous terminons la soirée par le « maté », boisson nationale en Argentine.

Parti le samedi 5 janvier 2019 pour mon périple à vélo, je paie un peu les efforts de la veille mais mes vieilles jambes sont encore assez bonnes pour pédaler durant 59 kms. Pas si mal sur des routes un peu en forme de « montagnes russes ».

Dimanche 6 janvier, je monte un premier col un peu sérieux pour arriver au « mirador » du point de vue « Garibaldi. » Au sommet, un Colombien en voiture attend un cycliste anglais qui tente de battre le record en reliant Ushuaïa à Carthagène au Nord de la Colombie en 40 jours, en parcourant entre 250 et 350 kms par jour (selon les vents dominants). J’entame la descente, très vite, il me dépasse et disparait accompagné de motards. Pas sûr qu’il fera beaucoup de rencontres et qu’il s’arrêtera souvent pour admirer montagnes et lacs.

Le même jour, je rencontre deux couples qui terminent un voyage incroyable : deux Australiens, Nancy et Dave de Sydney sont partis à vélo d’Alaska il y a un an et demi ; encore deux jours de voyage et la belle aventure se termine pour eux.

A Tolhuim, Ricardo ainsi que les Australiens m’avaient renseigné une boulangerie où le patron Emilio, accueille tous les cyclotouristes, très nombreux dans cette partie du monde.

C’est là que je rencontre Sarah et Andy, un couple anglais qui termine également le voyage Alaska / Ushuaïa : 31.000 kms en un an et demi. Partageant la chambre de trois lits, Sarah et Andy me donnent un tas de renseignements pour trouver des refuges le long de la route et pour visiter le fameux parc chilien des « Torres del Paine », où il est impossible de réserver la moindre nuit en camping en ce mois d’affluence de vacances d’été. Je pourrai faire une excursion d’un jour en bus, sans loger dans le parc.

Avec Andy et Sarah de Manchester, arrivant au bout de leur raid Alaska/Ushuaïa

Les jours suivants, d’autres rencontres : la plupart des cyclotouristes terminent leur raid d’Alaska à Ushuaïa, ou de Lima au Pérou. La plupart roulent vers le Sud. Quant à moi, mal renseigné sur les vents dominants, je roule vers le Nord. La plupart du temps, je dois affronter un fort vent de face… sauf ce mardi 8 janvier, exceptionnellement, le vent nous pousse. Je roule quelques kilomètres avec Améline et Romain de Fribourg en Suisse.

Ils étrennent leurs vélos et leurs sacs « Ortlieb » tout neufs ; ils ont pris le départ de Ushuaïa vers le Pérou. Ils sont deux fois plus jeunes que moi ; plusieurs personnes me félicitent de pédaler comme ça à mon âge. Profitant du bon vent qui m’emmène vers le Nord, je parcours 130km en un jour à une moyenne dépassant les 14 kms. Mais les jours suivants, la moyenne baisse à 6 km/h et même à 5 km/h, car le vent est résolument de face… 24 heures durant !

En quittant Rio Grande, je visite le musée historique des Salésiens qui ont tenté de défendre les indigènes face au génocide décrit plus haut. Des documents d’époque retracent la vie de ces indigènes « Selk’Nam » et « Haus » qui furent décimés également par les maladies apportées par les Européens. De 4.000 individus recensés en 1896, il n’y en avait plus que 279 en 1919. Le dernier descendant de ce peuple disparu est décédé en 1999. Pourvu que Bolsonaro au Brésil n’en fasse pas autant !

Une nuit dans une ferme de 3.000 moutons

Mercredi 9 janvier, le passage de la frontière se passe presque sans encombre : pas de contrôle des bagages comme en 2018 à la recherche de fruits interdits à l’importation ; en revanche, la douanière, outre la marque et la couleur du vélo, veut savoir la dimension des roues… du jamais vu au passage de tant de frontières !

Les Chiliens sont super précis (et têtus) dans leurs documents administratifs ! La route qui m’attend n’est pas en montagnes russes mais le vent est impitoyable. Après 40 kms en 8 heures de pédales, je jette l’éponge : j’ouvre le portail d'une ferme que j’aperçois à l’horizon. Bien accueilli par un intendant, je demande à pouvoir dresser la tente mais finalement, je peux cuisiner dans l’atelier et dormir dans le dortoir des ouvriers agricoles, vide ce jour-là.

La ferme (« estancia » en espagnol) compte 3.000 moutons et est autonome en électricité grâce à une petite éolienne et des batteries. En cours de journée, j’avais vu un troupeau de 1.000 moutons au moins, encadrés par deux « bergers » modernes se déplaçant en Quad dans l’immensité des terres patagonnes. Pas sûr que les moutons apprécient ces machines pétaradantes... moins écologiques que les chiens !

Arrivée à Punta Arenas au Chili

Durant trois jours encore, je mors sur ma chique pour faire avancer le vélo malgré le vent de face. Je rencontre des cyclistes plus heureux… le vent les pousse. Ils m’indiquent des endroits pour passer la nuit. Désirant profiter des premières heures du jour où le vent est un peu moins fort, je me couche à 20h et me lève à 4h30, ce qui, compte tenu du décalage horaire de 4 heures, me maintient à l’horaire belge.

Ce samedi après-midi, traversée en ferry du détroit dit de Magellan, durant une heure trente. Tout le monde paie, sauf les vélos… la SNCB devrait en faire autant ! Je me retrouve dans une auberge avec une dizaine de voyageurs (jeunes pour la plupart) à vélo ou « backpackers ». J’ai planté la tente au milieu de la cour.

Je suis allé faire quelques achats pour avoir des réserves de nourriture pour les 5 jours à venir. Objectif 5 x 50 kms jusque Puerto Natales, toujours au Chili. Me dirigeant vers le Nord, je ne puis m’attendre qu’à du vent de face. Et ce ne sera pas des caresses !

Si vous me répondez, déjà je vous remercie de vos encouragements mais je ne pourrai vous répondre … dans la « Pampa » patagonne argentine ou chilienne, le WI-FI n’a pas encore détrôné les moutons et les guanajos (voir photo).

Hasta la vista.
Léon, en Patagonie avec son « Da Silva » qui va bientôt accomplir son 40.000ème kilomètre !

M01 Transandina 2019 : projet de Ushuaïa à San Carlos Bariloche à vélo

Chers amies et amis,

Petit rappel, la traversée des Andes depuis Quito en Equateur a commencé en 2009. J'ai continué la route de Salta en Argentine jusque Santiago du Chili en 2013. En 2018, j'ai accompli un tronçon supplémentaire de la capitale chilienne jusque San Carlos Bariloche en Argentine.

Pour continuer dans le même ordre d'idées (et de projets), ce 2 janvier 2019 je suis reparti avec mon vélo en Argentine en solitaire jusqu'au 16 mars 2019.

Il me reste à accomplir le dernier tronçon, de Ushuaïa en Terre de Feu pour rejoindre San Carlos "contre vents (mais sans marées heureusement)" plus que certainement.

Un long défi ... de plus de 15.000 kms à vélo en solitaire : suite et fin !

Léon Tillieux