Voici la suite du voyage sur la « Carretera Austral », qui se termine pour moi, retour par l’Argentine oblige car c’est à Bariloche que je prendrai l’avion de retour en Belgique le 14 mars prochain.

J’aimerais un instant revenir sur la rencontre exceptionnelle avec le couple de Japonais. Norio accomplit un long voyage à pied durant trois ans en tirant une charrette depuis l’Alaska jusqu’à Ushuaïa. Voici encore une photo où l’on voit les visages rayonnants de ces personnes marchant pour la Paix.

Norio et son amie Maki

De Cohaïque à la frontière Argentine

Lundi 18 février, après l’envoi du message n°7, je prends la route de la « Carretera Austral » vers le Nord. Une longue montée dont une partie à pied à cause de travaux en cours. Une longue descente ensuite en passant par un tunnel.

Le long de la rivière Simpson, je rencontre les passagers de deux voitures arrêtées à l’entrée d’une propriété située le long de la rivière; ils attendent que le propriétaire vienne ouvrir la barrière; ils ont l’intention de camper en cet endroit merveilleux : un couple de Santiago et un couple d’Australiens apparentés aux premiers. Ils demandent au propriétaire si je puis aussi « acampar ».

Le propriétaire m’emmène au bord de la rivière et il fait déjà presque nuit lorsque je monte la tente. Le lendemain matin, Harry, l’Australien vient me chercher pour prendre le petit déjeuner avec eux. Lui et son épouse Christina ont dormi dans le break aménagé pour cela.

Rudimentaire leur équipement : une vieille pelle pour faire du feu avec du charbon de bois; une toile attachée par deux cordes pour se protéger du vent et de la pluie. Ce qui est incroyable : ils m’ont dépassé le matin sur la route au moment où je m’étais arrêté pour débarrasser celle-ci d’un gros caillou qui ne pouvait que rendre la route dangereuse pour les voitures mais surtout pour les motos, et les cyclistes !

En parlant de nos projets de voyage, Christina me dit en riant qu’à partir de 70 ans, « on commence une nouvelle vie », et oui certainement, pour moi aussi, et peut-être s’agit-il déjà d’une troisième vie... ? Et les rencontres se suivent toujours aussi chaleureuses et intéressantes.

Le matin du mardi 19 février, je rencontre un couple de Polonais (de mon âge) pédalant vers le Sud. Ils m’apprennent qu’un duo de belges me précède d’un jour ainsi que le couple d’amis de Suisse, Améline et Romain que je n’ai pas eu l’occasion de revoir à Coyhaique, ayant un jour de « retard » sur eux !

La pluie s’invite dès 10h du matin et ne me quitte pas durant la journée. Le soir non plus; heureusement, je trouve une maison inhabitée à vendre au bord de la route, là, je dormirai au sec !

Cuisine ancienne pour pâtes quotidiennes

Cinq cyclotouristes belges se rencontrent à Puyuhuapi

Samedi 23 février 2019, la journée commence par 15 km sous la pluie. A Puyuhuapi, je me réfugie dans un abribus en attendant l’ouverture du supermarché et de l’office du tourisme. Qui vois-je entrer à l’office de tourisme : Améline qui a passé la nuit dans un camping de la ville; la veille, avec Romain et deux filles belges, ils sont allés, en kayak (il ne faisait pas très chaud) aux thermes naturels situés dans le Fjord qui donne accès à l’océan Pacifique. C’est qu’ici, nous sommes à hauteur de la mer et ces thermes (eau chaude) ne sont atteignables que durant un quart-heure lorsque la marée est très basse.

Vers midi, les deux cyclotouristes belges dont m’avait parlé un couple de Polonais habitant aux Etats-Unis, deux jours auparavant, arrivent au camping de même qu’un couple de belges, eux aussi descendant vers le sud. Nous nous retrouvons donc cinq belges dont trois originaires de trois villages contigus faisant partie du grand Namur : Wierde, Andoy et Erpent.

Alexandra (originaire d’Erpent) voyage avec son amie Valentine de Bruxelles; je connais l’oncle d’Alexandra, Xavier Jadoul qui a travaillé au Brésil ainsi que pour l’ONG belge « Entraide et Fraternité ». Le monde est petit !

Quelques instants plus tard, Charles-Henry Gernay (originaire de Wierde dont faisait partie le village d’Andoy où j’ai passé mon enfance) et Delphine, son épouse rejoignent le groupe. Ces « jeunes » mariés ont entamé leur voyage de noces à Santiago, un voyage prévu pour huit mois en Amérique du Sud vers Ushuaïa, qui se prolongera par un autre périple en Amérique du Nord. Déjà, nous nous sommes promis de nous revoir en Belgique dans quelques mois.

La rencontre de cinq cyclotouristes belges au bord du Fjord de Puyuhuapi au Chili.
De gauche à droite : Valentine, Léon, Charles-Henri, Delphine, Alexandra.

Ce dimanche 24 février, le ciel est maussade, le soleil montrera sans doute le bout de son nez (et même un peu plus, nous l’espérons) l’après-midi. Nous repartons vers le Nord. Dans 100 km, à Santa Lucia, il est prévu que je quitte la Carretera austral car je bifurque vers l’Est, vers l’Argentine où mon périple se terminera le 12 mars prochain à Bariloche.

Après avoir du affronter une pluie diluvienne, nous nous arrêtons au bord d‘une rivière. Pour cela, nous avons franchi une barrière fermée et sagement, nous attendons l’arrivée (et la permission) du propriétaire pour monter nos tentes. Vue magnifique sur la rivière, repas partagé sous un arbre à deux pas de l’eau avec en plus un cyclo-randonneur suisse qui nous a rejoints. Intrépide, il prend un bain dans l’eau froide. « C’est après que l’on se sent bien » dit-il !

Les vélos et les tentes au lever du jour au bord de la rivière

Une journée plein soleil et de repos dans de l’eau thermale à 40°

Ayant calculé que j’avais encore quelques jours de réserve, je décide de prolonger quelque peu cette « Carretera Austral » en poussant jusqu’aux « termas d’amarillo », une soixantaine de km de Santa Lucia.*

Le Chili compte un nombre important de volcans et de sources thermales naturelles dont l’eau vient toute chaude de ces volcans. Ce mardi 26 février, journée complète de repos pour les cinq amis belges et suisses pour qui c’est la dernière journée commune. En effet demain, je bifurque vers l’Argentine, vers Bariloche pendant que les 4 autres prennent la direction de Puerto Montt, la fin pour eux (en fait c’est le début) de la Carretera Austral.

Pour Alexandra et Valentine, elles sont heureuses d’annoncer fièrement qu’elles ont dépassé les mille kilomètres sur cette route de légende. Pour un premier voyage longue distance à vélo, c’est pas mal. Il est vrai que pour ce voyage, elles se sont payé (à bon prix) des vélos de marque trouvés sur le net : des « Koga-Miyata » venant des Pays-Bas. C’est (ou plutôt c’était) considéré comme la « Rolls-Royce » du vélo. En tout cas elles pédalent bien avec ce genre d’engin. Quant au nom donné à leur duo, avec un petit clin d’œil pour la Belgique, elles ont choisi de s’appeler « les frites en selle », et cela fait rire, les Français surtout, mais nous aussi !

Léon (qui apprécie les frites) avec les "frites en selle"
alias Alexandra et Valentine de Bruxelles

Les deux Suisses et les trois Belges qui ont co-pédalé durant quelques jours, le dernier soir. De gauche à droite : Améline (CH), Valentine et Alexandra(B), Romain (CH) et Léon

Du mercredi 27 février au vendredi 1er mars 2019

Ayant quitté mes amis belges et suisses qui continuent leur route vers le Nord, je me retrouve sur une route en ripio en direction de l’Est vers l’Argentine. Je découvre un très beau lac et en m’approchant de la plage, je vois un pêcheur qui vient de prendre deux beaux poissons. Il m’aide à passer le vélo et les bagages au dessus de la barrière et à les descendre à l’endroit où je passerai la nuit. Je prépare le repas du soir quand le pêcheur avant de quitter le lac m’offre une canette de bière, bienvenue car au magasin de Santa Lucia, il n’y en avait pas !

Le lendemain, alors que je m’arrête pour le pique-nique du midi, je vois arriver un tandem. C’est un couple de Catalans qui s’expriment en Français (ils exercent la profession de kinés en France). Ils sont partis pour un périple de deux ans au moins en parcourant le Brésil (y compris l’Amazonie), l’Equateur (le Rio Napo par où j’ai commencé la Transandina 2009 et où travaillait ma petite cousine française Amélie), la Colombie, le Pérou, la Bolivie et l’Argentine.

Ils roulent en tandem et sont vraiment sympas. Ils espèrent arriver à Ushuaïa, avant les grands froids. Comme logo, ils ont choisi ceci : « Burn fat, not oil », ce qui veut dire dans la langue de Voltaire : « brûlez de la graisse (la vôtre), mais pas du pétrole ! »; c’est-à-dire qu’il vaut mieux se dépenser en pédalant et ainsi faire fondre sa graisse plutôt que de brûler du pétrole (et ses dérivés, essence, etc) et d’engraisser les Sheiks Arabes et autres actionnaires des multinationales du pétrole ! Bien dit, ne trouvez-vous pas ?

Un couple de Catalans très sympathiques, préférant s’exprimer en Français qu’en Espagnol, ils m’ont raconté leur long périple en Amérique du Sud.

Le soir, un peu de pluie, je m’arrête dans un abribus pour me cuisiner les pâtes quotidiennes. Un peu fatigué par le « ripio » et une « belle » longue montée dans la vallée du Futaleufu où l’on pratique le rafting, je décide de passer la nuit à cet endroit, je serai ainsi au sec !

Arrivé à Futaleufu, ville frontière entre le Chili et l’Argentine, j’ai du bon WI-Fi à la bibliothèque communale, d’où je vous envoie ce message. Ce sera sans doute bientôt le dernier de ce voyage 2019. Il y en aura encore un à la fin du voyage à Bariloche, où j’étais arrivé l’an passé.

Au plaisir de vous informer.

Léon

Il semble que vous appréciez les photos en voici donc !

Le soleil termine son travail par les cimes des montagnes les plus élevées

Pour bénéficier de ce spectacle (4 minutes), il faut se trouver au bon endroit, au bon moment, et se lever tôt !

Fleurs du pays un peu après la pluie