Chers amies et amis de la Transandina, une nouvelle semaine s’ouvre ce dimanche 20 janvier. Je reprends le vélo pour me diriger vers le Nord-est et rentrer en Argentine.

Le glacier Perito Moreno en Argentine, un des glaciers les plus admirés

Une première journée sans vent

Génial quand le vent est absent, c’est très facile de pédaler vers le Nord. Je passe la frontière chilienne à Cerro Castillo à 60 km de Puerto Natales. Trois jeunes attendent un lift pour El Calafate. Pas beaucoup de chance pour eux, avec une voiture en moyenne par heure ! Je ne sais combien de temps ils devront attendre. Je leur souhaite bonne chance, mais harnaché comme je suis (du moins le vélo), je ne puis même pas en charger un… ou une !

Attention, il y aura du vent (des vents) !

Dans le no man's land entre les deux frontières, la route chilienne toute neuve est construite en béton. Quant à la partie argentine, elle est en cailloux (en « pisio » comme on dit en espagnol). C’est vrai que le Chili avec ses mines de cuivre est dans une situation financière meilleure que leurs voisins, qui vivent la crise depuis des années… et une corruption importante (ils ne sont pas les seuls). Pour l’ex-présidente péroniste Cristina Kirchner, l’action en justice est en cours !

Passé la frontière, après 70 km, j’estime en avoir assez pédalé pour la journée. Je demande dans une ferme pour pouvoir « acampar ». C'est oui tout de suite : le responsable des ouvriers agricoles m’indique le dortoir et me convie au repas à 19h30 avec les autres ouvriers. Bonne soupe avec riz, pommes de terre et morceaux de poulet. Ils sont nombreux les bergers (7 ou 8). Iici, je me trouve dans une très grande ferme avec 28.000 moutons. Comme je dors à côté de l’enclos aux agneaux, cela va bêler cette nuit !

Pas de matelas mais l'accueil c'est déjà bien !

Une partie des 28.000 moutons de la ferme, ici les agneaux

Deux journées avec 60 km de « ripio », du vent changeant, du bon et du « pas bon du tout »

En Argentine, quand on retrouve la « Ruta Nacional 40 » (qui traverse toute l’Argentine du Nord au Sud du côté Ouest) et ses mauvais tronçons, pour nous les cyclistes et les motocyclistes, c’est vraiment la bête noire : les roues s’enfoncent dans les cailloux et le vélo, comme un cheval qui se cabre, s’arrête sans crier gare. Il faut sauter d’un côté à l’autre de la route, pour prendre la trajectoire la moins mauvaise.

Ca cogne bien fort. Résultat, la roue arrière légèrement voilée. C’est la première fois de sa vie que cette roue (elle vient, comme le vélo Da Silva, de parcourir son 40.000e km) connait un problème. Mais j’ai de la chance sur cet itinéraire : le vent ¾ arrière me pousse, même dans les montées. Sans cette aide providentielle, j’aurais du pousser le vélo !

Le fameux "ripio" des routes argentines, la terreur des cyclistes et des motocyclistes

Mon "Da Silva" a 10 ans (merci à la "Maison du vélo" de Bruxelles) et 40.000 km dans les jambes (plutôt "les miennes" !)

A mi parcours, j’aperçois une ferme ; je pousse la barrière (sans cadenas) ; le berger me montre un local, où d’autres cyclistes intercontinentaux ont déjà passé la nuit avant moi. Ce berger, seul pour 5.000 moutons, me semble bien triste et m’explique toutes les difficultés de sa vie solitaire. C’est vrai que des moutons, ce n’est pas vraiment une compagnie intéressante ! Heureusement, il y a de temps en temps des voyageurs qui s’arrêtent pour la nuit !

Quand la mauvaise route se termine, la route asphaltée me mène vers le Nord Ouest. Là le vent a changé et de ¾ face il m’empêche d’avancer à plus de 3 km heure. A un moment, à l’arrêt, une rafale m’envoie par terre avec « mon cheval ». Un jeune automobiliste fait demi-tour pour me porter secours… mais plus de peur que de mal !

Après 21 km de parcourus sur l’après-midi et une montagne d’efforts, je décide de monter la tente dans un creux, à l’abri du vent. Je me dis que celui-ci sera moins fort le lendemain matin. Et oui, levé à 3h du matin, je démarre à 4h dans la nuit et je parcours le reste de l’itinéraire (73 km) jusque El Calafate à plus de 14 km de moyenne : ce 23 janvier, pas le moindre vent ! Un écossais me dépasse. A un carrefour, je fais un signe à un des rares conducteurs : je suis à sec d’eau. Je reçois une bouteille pour me dépanner.

A El Calafate au camping, surprise, je retrouve mes amis Amélie et Romain de Fribourg en Suisse ; ils étaient derrière moi sur la route vers Porvenir ; ils étaient allés voir les pingouins. Ils m’ont dépassé (en bus) pour aller faire du trek dans le parc national des « Torres del Paine » et finalement se sont retrouvés un jour devant moi. Sympas les jeunes… tout d’admiration pour « le vieux » qui, à un certain moment les devançait et dont ils avaient des nouvelles de par les cyclistes pédalant en sens inverse.

Le glacier Perito Moreno : impressionnant !

Incontournable, un des glaciers les plus importants et en tout cas un des plus beaux du monde. Une journée légèrement pluvieuse mais le glacier est là devant nous, majestueux. De temps en temps, un grondement vient du glacier, comme s’il s’agissait d’un tir de mine. Le glacier avance lentement et de temps en temps un pan de glace s’écrase avec fracas dans le lac l’entourant.

Sur la plaque d’inauguration datant d’octobre 1991, reconnaissant ce glacier comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité, il est écrit ce qui suit (en espagnol) :

« Ces glaciers, générés il y a des siècles et des millions d’années au flanc des montagnes sont les témoins permanents de ces masses qui faisaient partie de la planète durant ces deux derniers millions d’années et qui présidèrent au fantastique épisode de la naissance de l’humanité. Puisse l’homme préserver ce site et se préserver lui-même pour que les générations futures puissent toujours contempler cette source de vie. »

Une belle déclaration engageante, tellement différente des âneries émises par les climato sceptiques.

La transandina sur RCF Namur

Demain vendredi 25 mars, je repars vers le Nord vers El Chaltén et le massif du Fitz Roy. Mes amis suisses sont partis ce matin (en bus) ; ils m’ont renseigné sur les treks les plus intéressants à parcourir, dont un à parcourir dès avant le lever du soleil. Avec un peu de chance, nous nous rencontrerons une troisième fois. 220 km jusque là : je prévois 4 jours… tout dépend du vent et surtout de sa direction !

Mais avant, demain matin, j’attends un coup de fil de Théo Mertens (un chanteur pour enfants bien connu) qui est actuellement animateur à la radio RCF Namur.

A vous retrouver dans une bonne semaine.

Léon Tillieux

Quelques photos, du passé argentin et de la faune rencontrée :

Charrette du temps des "pionniers" conquérant la Patagonie, comme au temps du "Far West" étasunien!

Des Nandous, très peureux et capables d'atteindre une très grande vitesse

Un rapace omniprésent au bord des routes : il "nettoie" les cadavres d'animaux renversés par les voitures