Je vous retrouve en ce mois de mars 2018, huit mois après la traversée du Pamir au Tadjikistan et au Kirghizistan (dont une partie en compagnie de ma fille « globetrotteuse » Sueli, actuellement au Japon).  Le rêve de traverser les Andes depuis l’équateur (Quito) jusqu’Ushuaïa, la ville la plus australe proche de l’Antarctique, se concrétise à nouveau.  Me voilà sur les routes chiliennes et argentines pour quatre semaines.
 
Dimanche 18 février 2018, à peine atterri à Santiago du Chili, le vélo et les bagages sont arrivés en même temps.  Quant à ceux-ci, ils furent fouillés un à un et le moindre paquet fut ouvert … je n’avais jamais été fouillé de la sorte même en Israël !

Une seule fois en Russie en 2006, lorsque j’avais approché involontairement une centrale nucléaire et une base de sous-marins et l’an passé au Kirghizistan en rentrant de mon périple au Pamir.  Je ne savais pas que les Chiliens pratiquaient les mêmes méthodes que celles encore en vigueur dans certains satellites de l’ex-URSS. Peut-être ont-ils hérité cela des Espagnols qui les ont envahis … il y a quelques siècles de cela ?


Bien décidé à retrouver les Andes le plus vite possible, je me suis mis à « tracer » à bonne allure vers le Sud.  Objectif atteindre Temuco en une semaine : et bien le dimanche 25 février, j’étais à Temuco. Je profitai de la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute pour rouler en sécurité. C’est tout à fait permis et les policiers que j’ai croisés m’ont salué … et même encouragé !

Un avantage sur cette autoroute : quatre fois, j’ai pu bénéficier d’une douche chaude gratuite sur un parking de « repos » destiné aux camionneurs, nombreux également sur cette autoroute de l’hyper consumérisme qui gagne aussi les pays émergents de ce que l’on appelait autrefois le « tiers-monde ». 

Car l’hyper consumérisme – dont nous sommes tous volontairement ou involontairement complices – nécessite un tas de biens de consommation qui doivent bien être transportés vers les lieux d’achat. Dès lors, un véhicule sur deux sur cette autoroute chilienne d’un pays qui est un pays développé, est soit un bus (hyper confortable) soit un camion.

Chaque soir, je privilégiai le contact avec les gens en leur demandant de pouvoir planter ma tente dans leur propriété.  Très peu de refus et certains soirs, cela marchait même du premier coup. Le premier soir, un monsieur seul a accepté après avoir demandé l’avis de ses enfants venus lui rendre visite. Un bon melon et une petite bière chilienne le soir et le matin deux œufs sur le plat.

Moment d’émotion quand nous nous sommes quittés lorsque ce monsieur m’a montré fièrement une photo de Salvador Allende en visite dans le coin et une copie de son dernier discours … avant d’être renversé par un coup d’état orchestré par la C.I.A étasunienne. Il y avait encore dans le regard de ce brave homme la lumière d’espoir d’un chemin démocratique brutalement interrompu pour de nombreuses années de dictature pinochienne.

Les deux petites filles d'une famille d'accueil pour un soir

Le lendemain, deux familles vivant dans des maisons peu confortables me dirent « oui » de suite et m’offrirent un plat de tomates accompagnées de maïs. Un autre soir, j’ai planté ma tente entre les voitures des ouvriers venus passer la nuit dans une pension.

Le lendemain, j’ai pu occuper un local en bois nouvellement construit.  Et encore le « oui » d’une dame demandant l’avis de son mari rentrant du travail et m’offrant une bonne tartine au fromage local. Le samedi 24 février, près de la gare du village de Pua, un couple m’indiqua un terrain vague … « pas de problème pour la sécurité » car il se trouve en face du poste de police … policiers avec qui j’ai pu échanger sur le but de mon voyage autour d’une tasse de café.

Enfin, le plus drôle, c’était une petite scierie où j’ai pu monter ma tente ; les ouvriers venant de terminer de travailler m’ont laissé seul … avec le chien comme gardien !  Et il n’a pas été impressionné par ma présence : il n’a même pas aboyé !

Dans sa niche en forme de tente en bois, le chien de garde

Peu de rencontres de cyclotouristes au Chili si ce n’est Cyntia, une jeune argentine sympa, venant à vélo de Ushuaïa et se dirigeant vers Santiago : l’inverse de ce que je fais. Elle m’a dit que la route du col que j’allais prendre pour passer en Argentine est mauvaise sur 13 km … mais j’ai été gâté : 700 kms sans un trou sur la bande d’urgence de l’autoroute entre Santiago et Temuco … pas sûr d’en faire autant en Belgique sans tordre une roue !

Cyntia cyclotouriste "jeune" argentine sympa en route de Ushuaïa vers Santiago croise un "vieux" Belge en route de Santiago vers Ushuaïa !

A Villarica, je laissai mon vélo et mes bagages dans un camping. Levé à 5h du matin pour partir pour l’ascension du volcan culminant à 2.800 mètres.  Ce volcan est encore en activité et s’est réveillé en 2015.  Dans les années 1960 et 1970, il fut responsable de la mort de plusieurs personnes.

Partis avec deux guides, un touriste chilien et deux Brésiliens ainsi qu’un masque à gaz (utile en cas de réveil du volcan), j’ai bien suivi le rythme des plus jeunes et en un peu plus de cinq heures d’ascension, nous arrivâmes au bord du cratère.

Quel spectacle ! Quelques fumerolles permanentes et de temps en temps un bruit sourd venant du « ventre » de la terre … oui, le volcan est encore bien vivant !  Pour la descente (plus dangereuse), nous avons glissé sur notre arrière-train sur une « pelle » en plastic comme les enfants à la citadelle de Namur (quand il y a de la neige).

Assez impressionnant quand on prend trop de vitesse et que l’on craint un plongeon final dans le lac !  Finalement deux heures de descente.  C’était mon troisième volcan après le volcan Tunupa (5.321 mètres au sommet) au nord du salar d’Uyuni en Bolivie en 2009 … et le fameux « Lascar » et ses 5.592 mètres au Chili en 2013 !


Au bord du cratère du volcan Villarica au Chili, toujours en activité

Après Villarica et Pucon, un col m’attendait : celui de Mamuil-Malal. Même s’il ne dépasse guère les 1.200 mètres d’altitude (1.253 pour être précis), j’ai eu droit à quelques belles montées.  Mais rien à voir avec les cols de plus de 4.000 mètres, dont celui de 4.850 mètres au Pérou en 2009 et le fameux col de Sico (4.092 m) sous la neige en 2013 (rappelez-vous les films tournés ces années-là).

Dans la montée du col de Mamuil-Malal, frontière entre Chili et Argentine

A la frontière entre le Chili et l’Argentine, pas de problèmes.  Je fus invité à me présenter aux policiers mais ne les voyant pas, je continuai mon chemin sans problème : des contrôles comme à l’aéroport de Santiago, une fois cela suffit !

Du côté argentin, pas question de demander à des familles pour planter la tente et pour cause : mis à part les villes, dans les campagnes, pas le moindre village, rien que des barbelés et derrière des troupeaux de vaches, de brebis, de chevaux.

A un certain moment, pas moyen d’avoir accès à la rivière pour m’approvisionner en eau : la rivière est tout simplement insérée dans la propriété (« merci » les Conquistadores).  Aussi n’ayant plus d’eau, j’ai fait comme dans le désert d’Atacama, j’ai agité une bouteille vide au passage d’un véhicule et une voiture s’est arrêtée pour me ravitailler !

Je suis passé par l’Araucanie, la région où habitent beaucoup de Mapuches, les rares amérindiens à avoir résisté sans concession aux envahisseurs espagnols. Ils ne sont pas prêts d’oublier les siècles de souffrances qui leur furent imposés. Des Mapuches, il y en a aussi du côté argentin.  

Un matin, j’eu l’occasion de parler avec l’un d’entre eux. Dans son regard, luit la fierté d’appartenir à cette communauté. Parmi les Mapuches, n’oublions pas le célèbre compositeur argentin Atahualpa Yupanqui qui chante toute la détresse mais aussi le courage de ce peuple.

Mapuche et fier de l'être !  ... Ne lui dites pas que vous êtes Espagnol !

Entre San Martin de los Andes et San Carlos de Bariloche, je me croyais en Suisse.  La route des sept lacs m’a fait suer avec ses nombreuses montées.  Mais quels paysages !  Ce message je vous l’écris depuis un camping merveilleusement situé au bord d’un lac.
 

Léon Tillieux en Argentine à San Carlos Bariloche (Wi-Fi gratuit sur une place)