Fin de la traversée des Andes 2013

Constraste Santiago.JPGCe jeudi 28 février 2013 en fin de matinée, avec une très grande joie que vous pouvez deviner, je suis arrivé à Santiago, capitale du Chili, avec plusieurs jours d'avance sur le programme que je m'étais fixé en 2012. 

Tout s'est bien passé, pas de difficultés majeures, pas d'ennuis techniques (aucune crevaison) durant ce périple long de 2.738 km pour 42 jours de vélo, soit une moyenne journalière de 67,6 kms et une moyenne horaire de 10,3 kms... et pas une goutte de pluie depuis la mine de fer au Chili où j'avais passé la nuit, le 21 janvier dernier !

Un retour anticipé

Dans mes calculs préparatoires, je tablais sur une avancée journalière moyenne de 50 km. A partir du moment où je me suis rendu compte que souvent le vent de face, venant du Pacifique, se levait à partir de 12 heures, j'ai décidé de partir très tôt en me levant à 5h du matin et de démarrer à 6 heures avant même le lever du jour... Ce qui m'a permis d'avancer plus vite et en me fatiguant moins ! Donc me voilà déjà arrivé et bientôt rentré en Belgique !

Retour sur la dernière étape : de Taltal à Santiago

Fin d'une longue traversée du désert, traversé de vallées très vertes chargées de fruiticultures 

Je vous avais quitté à Taltal, jolie petite ville au bord de l'océan Pacifique en vous envoyant mon troisième message le 8 février dernier. Depuis je vous ai laissé sans nouvelles... me trouvant pour quelques jours encore dans le désert Chilien. Pendant une semaine, j'ai longé la mer en prenant une route parallèle à la Ruta 5, la Panaméricaine. 

Ce n'est qu'en arrivant à Huasco que j'ai retrouvé de la verdure : des arbres, des plantations, des fruits ! Particulièrement dans la vallée de l'Elqui d'ou partent les succulents raisins de table chiliens que nous trouvons dans nos supermarchés en Belgique.

Rencontres de cyclistes randonneurs longue distance

Nuit sur le balcon des Andes.JPGAu bord de la mer, le 10 février, je m'étais arrêté pour manger du poisson délicieux de l'Atlantique, quand un couple de Suisses s'approchèrent de moi en me disant qu'ils voyageaient aussi à vélo. 

Coïncidence, Stefan avait traversé le col de Sico, il y a quelques années et avait logé dans le bureau des douaniers chiliens... ceux-là qui m'avaient chauffé de l'eau pour mon repas le dimanche 20 janvier quand je suis passé par ce col... sous la neige. 

Ces deux jeunes Suisses, Sibylle et Stefan venaient de boucler un périple passant par le col de San Francisco (4.726 m) entre le Chili et l'Argentine... une merveille selon nos deux amis qui chaque année prennent du temps pour prendre distance par rapport à la course folle que nous menons pour notre travail, que ce soit en Suisse, en Belgique... pour, comme les latinos-américains, prendre le temps de vivre. 

Il est vrai que lorsque l'on voyage à vélo, on prend le temps non seulement d'admirer, mais de rencontrer les gens, etc.... cela je vous l'ai déjà dit en long et en large.

Il ne sont pas légion ceux qui circulent à vélo à travers les deux Amériques... surtout d'un bout à l'autre. Lors de la Transandine 2009, j'avais rencontré un Argentin qui avait mis 4 ans pour rejoindre l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu... il se faisait parrainer pour les villages d'enfants SOS. Dans l'autre sens non plus, de Ushuaïa (l'extreme-sud de l'Argentine) jusqu'en Alaska, il ne doit pas en avoir beaucoup.

Avec Mauro Italien.JPGLe 12 février, j'ai eu la chance d'en croiser un jeune italien, Mauro, juché sur un vélo de course, comptant rallier les deux extrêmes des Amériques en quelques sept mois... ce qui devait lui faire environ deux cent kms par jours. Il n'emprunte que les routes macadamisées (ex. la Panaméricaine). 

Il arbore un grand drapeau et cherche des sponsors en faveur de la lutte contre le diabète ainsi que pour soutenir un orphelinat au Mexique

Tout content le Mauro que je parlais italien ! Il connaissait même une ONG pour laquelle j'avais travaillé pendant l'été 1970 en Sicile : "Mani Tese" (mains tendues). Pour ceux qui veulent en savoir plus ils peuvent aller voir son site.

Avec Neerlandais.JPGQuelques jours plus tard, ce sont deux jeunes Néerlandais que je croisais. Ils venaient de Ushuaïa comme Mauro mais comptaient s'arrêter en Colombie... c'est déjà pas si mal. Ils avaient été enchantés de la traversée du col "del agua negra" (4.779 m) entre l'Argentine et le Chili

J'ai été frappé par le peu de bagages qu'ils avaient avec eux. C'est ce qui explique la vitesse avec laquelle ils avançaient... vous verrez plus loin que j'ai suivi leur façon de voyager.

"Pour un arpent de terre"

Machine 1.JPGUn jour quelle surprise de voir abandonnés dans une propriété au bord de la route, une ancienne machine à battre le grain et une ancienne machine à vapeur destinée à actionner la première. 

En admirant ces anciennes machines, je n'ai pas pu m'empêcher de me remémorer deux romans écrits par Claude Michelet : "Pour un arpent de terre" ou l'on décrit le travail de ces fameuses machines (fabriquées en Angleterre) et le tome II intitule "Les promesses du ciel et de la terre" relatant la guerre du Pacifique de la fin du 19ème siecle dont je vous avais parlé dans un message précédent.

Un dernier défi pour la Transandine 2013... fier de porter bien haut les couleurs du "coq wallon" !

A la Serena, je devais en principe être hébergé par l'Evêque du coin, ami de Edouard Brion, avec qui j'étais allé en Palestine en décembre dernier. Mais voilà, c'était les vacances et Monseigneur était parti dans son "Castelgandolfo" chilien... je suppose que lui - à l'inverse de Benoit XVI - reviendra pour continuer son travail.

Dès lors, je me suis mis en route plus tôt vers Santiago sans avoir l'opportunité de vous envoyer de message car je me retrouvais de nouveau dans la nature... avec deux alternatives :

  • soit je continuais la Panaméricaine qui longe la côte et qui est constamment chargée de voitures et de camions;
  • soit je prenais des chemins de traverses via une ancienne route appelée "longitudinale" qui était utilisée déjà au temps de la colonie avant que la "Panam" ne soit construite : entre Vicuna et San Felipe

Dure montee.JPGIl s'agissait d'un véritable défi. Les amis Suisses m'avaient averti que c'était très beau... mais très, très dur. 

Après deux premiers jours au cours desquels je parvins à hisser mon vélo et mes 40 kgs de bagages au sommet du fameux col de Hurtado (voir photo en annexe), je pris la sage décision d'expédier un sac avec 12 kgs de bagages inutiles (vêtements pour la haute montagne, etc) via la compagnie de bus jusque San Felipe, à 75 km de Santiago.

Le long d'une ancienne ligne de chemin de fer

Entre Illapel et Cabildo, la route suit le trace d'une ancienne ligne de chemin de fer, ouverte au début du 20eme siècle et abandonnée il y a plus de 50 ans. L'avantage de ce parcours c'est que les pentes ne sont pas très fortes et cela permet d'admirer davantage le paysage. 

Tunnel 1912.JPGSur le trajet plusieurs tunnels avaient été creusés dans les années 1910-1912. Ils sont actuellement ouverts aux voitures... et aux rares cyclistes qui passent par là. 

Bref un véritable RAVeL chilien... pas encore si bien aménagé que chez nous bien sur, mais avec le temps... !

Changement de mode d'hébergement

Tout au long de la première partie de la Transandine 2013, étant donné que j'étais dans un désert, je plantais ma tente le soir, je n'étais jamais dérangé, j'avais tout l'espace pour moi... à condition de ne pas empiéter sur le territoire des compagnies minières, les seuls occupants de cette partie Nord du Chili. 

Il n'y avait aucun concurrent : le désert d'Atacama, un véritable désert comme je vous l'ai déjà dit, il n'y a aucun moustique bien sur, mais pas de fourmis ni d'autres insectes qui viennent vous importuner.

En revanche dans la région très verte renommée par les raisins de table exportés dans nos pays, toutes les parcelles sont privatisées à gauche et à droite de la route. 

La première nuit, je m'étais risqué à planter ma tente au bord d'un chemin apparemment privé ou privatisé... quand je fus réveillé vers minuit par deux gardiens (juchés sur leur monture dont les sabots m'avaient réveillé) qui me prièrent de décamper sur le champ. J'ai continué la nuit au bord d'un champ de salades, je n'ai plus eu le courage de remonter la tente... j'ai dormi à la belle étoile, tout heureux de pouvoir admirer la voute céleste. Au petit matin, les ouvriers agricoles ne sont pas venus me déranger !

Vallee raisins.JPGLes jours suivants, je demandais à pouvoir planter ma tente, soit dans un exploitation de séchage de raisins, soit dans un terrain rempli de camions et autre matériel. 

C'est ainsi que le dimanche 17 février j'ai fait la connaissance de Gabriel, ancien exilé Chilien en France pendant 12 ans et tout heureux de parler Français avec moi.

Il est gardien de nuit pour une entreprise de construction. Le matin, il était tout heureux de m'accueillir chez lui, dans sa petite maison, de m'offrir, lui et son épouse parlant Français également, un délicieux petit déjeuner... et une douche chaude. 

Les autres nuits, j'ai planté la tente dans une propriété de producteurs de raisins. Accueil sympathique autour d'un bon potage ou tout simplement en me disant que je pouvais manger du raisin... le bon raison de table, plein de soleil.

Un soir, alors que le vent du large de l'océan Pacifique, s'était levé, il m'était impossible de monter la tente... quand j'ai eu la chance de pouvoir passer la nuit dans un local du Syndicat de pêcheurs d'un petit village de pêcheurs... des gens très courageux et accueillant de surcroit. Merci à ces travailleurs qui risquent leur vie la nuit dans des conditions pas toujours faciles ! 

Dernier jour vers Santiago via un tunnel

Camionette pour cyclistes.JPGMercredi 28 février, levé très tôt avec départ avant 6h. Une longue montée de 9 km avant d'arriver au tunnel de xxx. 

Là, surprise, un homme m'arrête et m'invite à monter dans une camionnette, véhicule qui reste en permanence à l'entrée du tunnel pour transporter les cyclistes, leur vélo et leurs bagages de l'autre côté du tunnel trop étroit et sans bande d'arrêt d'urgence. 

En effet, sur sur chaque côté de la route à deux bandes ainsi que sur les autoroutes - ou la police permet aux cyclistes de circuler même s'il y a une panneau contredisant cela à l'entrée - il y a une bande "d'emergenzia". 

Dans le tunnel, il n'y en a pas. D'ou le service (gratuit) de transport des cyclistes dont j'ai bénéficié. Dans ce pays, le Chili, il y a des choses qui surprennent, dans l'organisation et la précision. Mais tout n'est pas aussi parfait. 

De toute façon, je puis dire que, parmi les pays Latinos, celui qui ressemble le plus à nos pays Européens de culture latine, c'est bien le Chili. Au Pérou, en Bolivie... et au Brésil (que j'aime particulièrement), c'est différent. Les Chiliens sont sans doute moins "chaleureux" que les Brésiliens... mais j'ai j'a été souvent bien accueilli. 

cela diminue.JPGDe l'autre côté du tunnel, il me reste une petite cinquantaine de kms, tout en descente si bien que j'arrive très tôt à Santiago

Devant me rendre à la place Nunoa, j'ai trouvé facilement ma route dans une ville ou en général le code de la route est respecté. En entrant, j'ai suivi l'avenue de l'indépendance me disant que cela devait être une avenue importante de cette ville énorme (7 millions d'habitants)... elle m'a mené directement au centre, à l'ancienne gare Mapucho.

De là en demandant quelques fois mon chemin (7, 8 fois peut-être) et sans disposer de carte de la ville, je suis arrivé à la place près de laquelle se trouve l'appartement de René, un ami de Dominique, un ami namurois ayant travaillé au Chili. 

Cet ami, René, est parti temporairement au Mexique pour le travail et m'a ouvert son appartement pour les quelques jours que je compte y passer. Première chose à faire: changer la date de mon retour initialement prévu le trois avril.

Retour anticipé en Belgique

Velo pour avion.JPGC'est donc le jour où Benoit XVI mettait fin à son "pontificat" et s'envolait vers Castelgandolfo, que j'arrivais à Santiago et que j'écourtais mon séjour au Chili. Vous me direz il n'y à rien à comparer - l'un voyage en hélicoptère, l'autre à vélo - ceci dit, je rentre donc déjà en Belgique ce mercredi 6 mars 2013 à 22h15 par le vol IB 3208 en provenance de Madrid

Celles et ceux qui veulent venir m'accueillir peuvent le faire si le coeur leur en dit... je pense spécialement à mes supporters habitant la région de Bruxelles. Je peux vous dire qu'il y aura de la joie dans l'air spécialement du côté de Jambes... tout comme dans mon coeur d'ailleurs !

Conclusions

Pourquoi se donner de la peine pour grimper dans les montagnes - et surtout quelles montagnes ces fameuses Andes - par des cols impossibles avec une charge qui écraserait un mulet... telle est la question que certains pouvaient ou pourraient se poser en me voyant pousser sur mes pédales alors qu'il suffirait de toucher du pied une pédale d'accélérateur de voiture ? Et bien j'ai eu tout le temps de réfléchir pour répondre à cette question et encore à bien d'autres questions tout au long de ce qui fut une longue traversée de désert. 

En me lançant dans cette aventure, je ne me rendais pas compte que le Nord du Chili que j'entreprenais de traverser était un désert à ce point aride... et vide. Pourtant, c'est en traversant ces étendues de pierres et de sable que j'ai découvert toutes les richesses qui nous habitent en commençant par celles de notre propre intérieur. 

Plus particulièrement cette année, j'ai découvert en moi une force extraordinaire qui me poussait à aller jusqu'au bout du rêve qui m'habitait depuis longtemps. Au delà de la santé physique dont j'ai pu bénéficier tout au long de ces 7 semaines, c'est de nouveau le mental qui m'a aidé à dépasser tout risque de découragement. Le fait qu'il y avait peu de rencontres possibles dans cet univers, m'a permis d'investiguer davantage au sein de moi-même et de m'émerveiller de ce qui comble ma vie en terme de relations avec les autres et particulièrement avec ceux et celles que j'aime. 

Par ailleurs, en terminant cette traversée andine, j'ai la très grande satisfaction et la très grande fierté de vous dire que nombreux furent ceux et celles que j'ai rencontrés - et parmi eu particulièrement des jeunes - qui étaient en admiration devant le fait que cet "exploit" je pouvais le faire à 64 ans. Ceci dit en ce qui me concerne, je ne compte pas m'arrêter - plus en Amérique du Sud - mais dans des pays comme l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Kirghizistan, etc. Ce sera toutefois pour des séjours plus courts, d'un mois maximum. 

Je ne puis oublier les multiples petits gestes destinés à m'encourager - le coup de klaxon ou l'appel de phares des automobilistes, des camionneurs; ceux qui prenaient la peine de s'arrêter pour s'enquérir de ma destination, si je n'avais besoin de rien. 

Des grands gestes comme l'accueil pour une nuit... et même des plus petits mais aussi importants comme "la gorgée d'eau" proposée par une touriste qui n'avait que sa gourde à offrir, l'assiette de pâtes et de haricots offerte par une femme de pêcheurs qui me répondait qu'il n'y avait un restaurant qu'à 35 km de là, mais qu'elle pouvait me donner ce qu'elle avait; ou encore l'énorme grappe de succulents raisins offerte par un producteur alors que je m'étais arrêté au bord de la route pour manger un peu. 

Tous ces gestes de partage que je ne pourrai oublier tout comme les encouragements que vous m'avez exprimés via courriel. Qu'ils et que vous en soyez remerciés... !

Amis de Dominique Santiago.JPG

Suite de la Transandine 2013... en photo et en film

Un film sur la Transandine 2013 est déjà prévu... vous serez informés. Un livre-photos est également en projet. Si cela vous intéresse répondez-moi par retour du courriel (un clic suffit, pas besoin d'aller acheter un timbre comme au temps passé... ne remettez pas à demain). Sachez simplement que le prix baisse en fonction du nombre d'exemplaires imprimés. 

A bientôt... dans quelques jours... au plaisir de vous revoir !

Leon Tillieux à Santiago