Chers amies et amis de la Transandine,
 
J'espere que vous ne souffrez plus trop du froid ... voici des nouvelles du Chili qui vont sans doute vous réchauffer un peu les esprits... ou le coeur.

Quatre jours de visite dans la région de San Pedro de Atacama au Chili

Les Geysers de El Tatio

Après avoir consacré la première journée à un peu de repos, à l'envoi du message numéro 2 et des photos que vous avez appréciées semble-t-il, je suis parti samedi 26 janvier à 4 heures du matin pour visiter, avec une agence, un des sites de geysers les plus grands du monde: les geysers de El Tatio. Malgré la température négative, il fut très agréable de se baigner en plein air dans de l'eau chaude et même de plus en plus chaude au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'orifice par laquelle l'eau sort du coeur de la terre.

La vallée surprenante de la lune

Vallee de la lune D.JPG

Le soir, avec Yves, un Francais qui circule à moto partout en Amérique du Sud, je suis allé visiter la vallée de la lune. En premier lieu les cavernes dans une roche constituée de sel principalement.  Ensuite au moment du coucher du soleil, nous avons grimpé sur une très haute montagne pour admirer la fin du jour et les couleurs de ce site extraordinaire. 

La lune est venue pointer son nez juste à côté du volcan Lincancabur qui domine le salar d'Atacama. Vous jugerez de la beauté de ce spectacle en regardant les photos jointes.

Yves a conduit sa moto modérément tenant compte du fait que je ne suis presque jamais monté sur un tel engin !  Merci à cet ami de m'avoir emmené dans ce site extraordinaire... et d'avoir pu laisser ma monture "sans moteur" se reposer un peu au camping. 

Dimanche 27 janvier : un volcan haut de 5.590 m, un fameux Lascar !

La nuit du 26 au 27 janvier fut très écourtée dû au fait que les voisins du camping ont parlé, chanté et rigolé... jusqu'au moment où il était temps de me lever (vive le camping sauvage dans une nature sans rigolos qui vivent la nuit plutôt que le jour) !  

Avec un guide très compétent et trois autres compagnons de randonnée (Emily, une jeune Etasunienne, travaillant dans un parc naturel en Oregon ... en se présentant, elle m'a dit ne pas savoir où se trouve la Belgique ... comme Georges Bush parait-il ... moi non plus, je ne puis préciser où se trouve l'Oregon, un jeune Australien et Leonardo, un jeune Chilien), nous avons en premier lieu admiré les couleurs turquoises de la lagune de Lejia avant de commencer à monter à partir de 4.900 m. Le guide s'arrêtait de temps en temps pour que nous puissions reprendre notre souffle. 

Après la première moitié de l'ascension, je m'arrêtais sans que le guide ne le fasse... mes compagnons qui me suivaient ne demandaient pas mieux, me semble-t-il !  Après trois heures d'ascension, nous sommes arrivés au bord du cratère: spectacle incroyable de voir cet immense trou où l'on devine le coeur de la terre;  quelques fumeroles nous révèlent que là en dessous cela doit bouillonner tant et plus ! 

Volcan Lascar B.JPG

Le vent ne nous empêche pas de nous jeter dans les bras les-uns les-autres, laissant éclater notre joie. Restent 40 minutes pour arriver au sommet : 5.590 m au dessus du niveau de la mer, ce qui représente la hauteur du Mont Blanc (le plus haut sommet d'Europe) plus la hauteur du Signal de Botrange calculé depuis Ostende !

Là, le vent redouble d'intensité et de nouveau, nous laissons éclater notre joie. En ce qui me concerne, pas de mal de tête, pas de crampes, une bonne résistance au froid grâce aux sous-vêtements en laine de mouton de Nouvelle-Zélande... ce que je vous recommande si vous souffrez du froid en Belgique !

Dans les yeux du salar

Les yeux du Salar.JPG

Lundi 28 janvier, dernier jour de repos à San Pedro de Atacama, je pars très tôt avec le vélo vers la lagune de Cejar où il est possible de se baigner... et de flotter vu la très forte densité de sel.  Un peu plus loin, bain dans les "ojos del salar", c'est-à-dire dans les yeux du salar. 

Un groupe de touristes français s'intéresse à mon périple à vélo ... et me ravitaille en eau et en brochettes de fruits sortant tout droit du frigo box.  Comme cela fait du bien le partage... quant il fait près de 40 degrés !

Rencontre inattendue avec André Etchelecou des Pyrénées

Le dernier soir, une heure de rencontre et d'échanges d'expérience avec ce professeur émérite de l'université de Pau... converti au vélo longue distance et à l'escalade de volcans ! J'ai eu connaissance de ses périples à velo grâce au "forum des voyageurs" sur Internet. Grâce à lui, j'étais au courant des difficultés de la traversée du col de Sico entre l'Argentine et le Chili avant de prendre la route. 

Rencontre avec Andre Etchelecou.JPGPendant cet échange, nous avons mis en commun les souvenirs de la traversée de l'Ouzbekistan et nous avons parlé de projets futurs comme le Kirgizistan (pour moi) ou encore le Tibet (pour André). 

Nous nous sommes donnés rendez-vous dans les Pyrénées pour un partage plus approfondi de cette passion commune du vélo - longue distance - rencontres des populations.

De San Pedro d'Atacama à Antofagasta

Une très très longue montée précédant une longue descente vers Calama

Première journée terrible pour sortir de la région de San Pedro de Atacama vers Calama. Les amis français m'avaient prévenu : ce sera très très dur... "pars tôt pour éviter le vent !".  

A 7h30 je démarre et de suite me trouve le nez devant cette côte à 10% et plus.  Après le passage de la "Cordillera de sal", je me trouve devant une très très longue montée ... de 26 km.  Je mettrai finalement 8h30 pour arriver au sommet du col, le paso Barros Arana ... soit à une moyenne de 3 km/heure ... je pense que même les baudets auraient fait mieux.

En revanche de l'autre côté, malgré le vent, une très longue descente à près de 20 km heure de moyenne.  

Couleurs nationales belges sur le camping.JPGArrivé au camping de Calama, bien accueilli par un couple très sympathique, jugez-en : à peine arrivé, le mari a hissé le drapeau belge!  Les chiliens sont très friants de défilés, saluts au drapeau, etc. 

Ce jour là, outre le drapeau chilien, flottèrent nos couleurs nationales sur cette terre chilienne... remarquez, j'étais le seul campeur (sous tente) ! 

Sur un mur de Calama, un texte de Pablo Neruda

"Yo llegue al cobre, a Chuquicamata, era tarde en las cordilleras.  El aire era como una copa fria, de seca transparencia."  Traduction : " Je suis arrivé à Chuquicamata, la région du cuivre, il se faisait tard dans la cordillère. L'air était comme un verre de fraicheur, d'une sèche transparence".  

Dans ce merveilleux texte, Pablo Neruda décrit très justement cette région de Calama, riche en minerais, surtout de cuivre mais aussi une région désertique avec un tel degré de sécheresse que c'est un des endroits du monde où il y a la plus grande transparence et donc la plus grande visibilité notamment pour l'observation des étoiles.

Visite de la mine de cuivre la plus grande du monde

Mine de cuivre Chuquicamata A.JPG

Je savais que le sous-sol du Chili contenait de grandes richesses minières mais j'ignorais qu'il y avait une mine de telle importance.  Cette visite au coeur du cuivre chilien me rapelle combien l'histoire de ce pays est liée à ces richesses minières. Fin du 19eme siècle, la guerre du Pacifique (1879-1884) opposa le Chili d'une part, le Pérou et la Bolivie d'autre part.  Combien de combats sur terre et sur mer; combien de jeunes sont morts pour les intérêts économiques des classes dirigeantes de l'époque.

Cette guerre coûta a la Bolivie son accès à la mer... depuis, ce pays ne s'en est jamais remis ! Le Chili occupe toujours ces vastes territoires... désertiques certes mais riches en matières premières dont le cuivre.
 
Par ailleurs, plus récemment dans l'histoire contemporaine, je ne puis m'empêcher d'évoquer le défi qu'Allende s'était fixé, en nationalisant les richesses minières du Chili de façon à pouvoir financer un programme social et de justice pour tous les chiliens. Cela ne pouvait qu'aller à l'encontre des intérêts des maîtres du monde qui, par l'intermédiaire de la CIA, installèrent une dictature terrible : Pinochet allait dominer, écraser, assassiner. Des mères sont encore à la recherche dans cette région de Calama, des restes de leur époux ou de leur fils, exécutés après avoir été torturés. Une part très sombre de l'histoire de ce pays !
 
Je ne puis également qu'établir le lien avec la Belgique qui est en train de perdre un fleuron de la Wallonie en ce qui concerne la sidérurgie et de même, proche de nous également, la région Lorraine de Florange en France.  Comment est-il possible de laisser ces richesses nationales entre les mains de puissants (asiatiques et autres) qui ne se préoccupent aucunement du sort des familles des travailleurs ?  Encore faut-il, si l'on opte pour une gestion par l'Etat des ressources stratégiques, une gestion saine ... plus sérieuse que celle que l'on a réservée à Dexia (l'ex-Credit Communal de Belgique) !
 
Sur le mur de Calama, à côté du texte de Pablo Neruda, il y en avait un de Salvador Allende qui disait : " Quiero insistir que, porque el pueblo es gobierno, es posible que hoy dia digamos que el cobre sera de los chilenos "  traduction " Je veux insister sur le fait que, puisque le gouvernement émane du peuple, à partir d'aujourd'hui nous pouvons dire que le cuivre appartiendra aux Chiliens " - texte du 11 juillet 1971, jour où la mine de cuivre de Chuquicamata fut nationalisée".  J'ose espérer qu'aujourd'hui encore la mine est gérée pour le bien de tous les chiliens.

Traversée du désert d'Atacama... un véritable désert !

Le seul arbre du desert.JPG

Entre Calama et Antogagasta, longue traversée du désert d'Atacama.  Je connaissais le salar d'Atacama, réputé pour sa luminosité ... voilà le désert ... un véritable désert !  

Comme le disait Yves, le motard Francais avec qui je suis allé visiter la vallée de la lune, c'est un véritable désert : pas une herbe, pas une plante, rien que des cailloux et du sable. Au Sahara, il y a toujours ici et la, un troupeau de chèvres ou de moutons, un bédouin qui vient vous saluer.

Ici au Chili, pendant plus de 220 km, je n'ai vu aucune habitation, aucune construction (mises à part les installations minières), aucun paysan ... seulement deux piétons au bord de la route.  Je n'ai vu qu'un seul arbre ... encore fallait-il que lorsque j'ai voulu y faire une sieste en dessous de lui, les ordures et les mouches y avaient élu domicile avant moi !

Baquedano, noeud ferroviaire vers la Bolivie

Une attraction quand même dans le désert d'Atacama, c'est le musée ferroviaire de Baquedano, important noeux ferroviaire de la compagnie de trains qui reliait et relie toujours la ville d'Antofagasta et la Bolivie.  Ligne stratégique en ce qui concerne le transport de minerais ... car si c'est un désert, il y a plein de richesses dans le sous-sol :  cuivre, salitre (mélange de sodium et de nitrate de potassium). 

De Antofagasta à Taltal sur l'océan Pacifique au Chili

Antofagasta, un grand port sur l'océan

Port d'Antofagasta C.JPG

Découverte de bon matin de cette très grande ville du Nord du Chili, port très important, ayant conservé plusieurs bâtiments anciens dont la gare ferroviaire de la FCAB (Compagnie de chemins de fer d'Antofagasta et de Bolivie), le bâtiment des douanes, etc. 

Charmante place avec la tour de l'horloge... où j'ai parlé avec deux touristes allemandes s'exprimant en un français impeccable et s'intéressant à mon périple.

En suivant la route numéro 1 renseignée sur la carte routière éditée en Allemagne, j'avais l'intention de rejoindre la ville de Taltal en suivant l'océan.  Apres quelques kms, je me suis retrouvé sur un sentier qui devenait de plus en plus escarpé... si bien que j'ai pris la sage décision de faire demi-tour et de suivre la Panaméricaine. 

Une nuit passée dans... et en dehors de l'annexe d'une chapelle militaire

Après l'aventure avortée de la route côtière qui n'existe plus, je décide de quitter cette grande ville d'Antofagasta en espérant trouver un endroit calme et sûr pour planter la tente.  En voyant au bord de l'océan une "chapelle militaire", je m'approche et demande au chef des ouvriers en train de rénover l'annexe, si je peux planter la tente à cet endroit.  Celui-ci me répond "bien sûr" et m'invite a installer mes pénates dans l'annexe.  

Après un brin de toilette, bien nécessaire "après la traversée du désert", je m'endors ... sous les yeux de la statue de la Vierge.  Vers minuit, deux militaires viennent, tout désolés, me dire que leur chef leur a rapellé que ce lieu, même s'il est béni ... est territoire militaire ... donc je dois partir.  Apres avoir sorti tous mes bagages et refermé la porte (dont je n'ai pas la clef), le soldats me disent que je peux aller m'installer sur la plage toute proche.

Sur le parvis on est bien.JPGMais se rendant compte que mes nombreux bagages risquent d'attirer du monde, ils reprennent contact avec leur chef, explique la situation au chef ... qui revient sur sa décision : le lieu me redevient "ouvert".  Mais je n'ai pas la clef.  Je propose donc aux soldats qui acquiescent, de passer la nuit ... devant la porte.

Après tout "sur le parvis de l'eglise", on y est aussi bien (un petit clin d'oeil à Jacques Gaillot qui devrait apprécier la mésaventure)... d'autant plus qu'il fait chaud et qu'il n'y a pas de moustiques.

Le lendemain matin au petit réveil, un des soldats est venu s'enquérir, si j'avais bien dormi, si j'avais à manger, si j'avais de l'eau et si personne n'était venu me déranger ... quand même sympas les militaires chiliens !!

Un nouveau désert :  320 km entre Antofagasta et Taltal

Affonso le Brésilien rencontré à San Antonio de los Cobres m'avait averti : " tu devras traverser un désert pendant 400 km.  Il faut prendre de la nourriture car il n'y a aucun moyen de se ravitailler.  Pour l'eau, juste quelques litres.  Quant tu vois ta réserve diminuer... tu fais signe aux camions et aux voitures en agitant une bouteille vide." 

Ce que j'ai fait... et dans les cinq minutes, un camion ou une voiture s'arrêtait :  de l'eau fraiche, des biscuits... et même une grappe de raisins !  Comme quoi dans le désert, la solidarité... je l'ai expérimentée une fois de plus. Affonso quant à lui est arrivé à Potosi en Bolive (selon courriel reçu de lui... la magie d'Internet) !

Une nuit dans un espace réduit réservé à une douche

Le mardi 5 février, alors que je luttais contre un vent fort de face, je vois comme dans un mirage une "posada" ... un restaurant pour routiers. Je n'hésite pas, je demande - outre un bon repas - à pouvoir installer ma tente dans le jardin (plutôt un dépôt de toutes sortes:  vieux camions, objets hétéroclites, etc).  Le patron accepte et me propose de passer la nuit dans un espace réduit prevu pour une douche et mesurant 3 m sur 1,5.  Pour moi, j'y ai très bien dormi, en compagnie du vélo (la roue avant démontée)... c'était toujours mieux que d'essayer de monter la tente, par ce vent "à décorner les boeufs" !

Taltal, cité balnéaire tranquille au bord de l'océan

Il n'y a plus de route !Depuis que le gérant du camping de Calama m'a dit que le vent du Pacifique se levait à partir de midi, je pars tous les jours à 6 heures. Levé à 5 heures, je bénéficie ainsi des premières heures du jour sans vent. Par après, à certains moments, il est impossible d'avancer à plus de 7 km/heure.

Pour planter la tente, j'ai récupéré au bord de la route des "élastiques" découpés par les camionneurs dans de vieilles chambres à air. Cela me permet d'insérer à chaque coin de la tente une grosse pierre ... et le vent peut venir !
 
Après ce long message envoyé de Taltal, je vous donne rendez-vous dans une dizaine de jours.  J'avance bien malgré le vent.  Je suis arrivé à la moitié du parcours prévu :  j'ai dépassé les 1.400 km.  Demain je rejoins la panaméricaine. Il me restera 1.100 km jusque Santiago... plus quelques détours vers la mer ou des sites intéressants.

L'album photo de cette étape est sur skydrive.

A plus
 
Léon