En cherchant en vain un camping, je finis par trouver

Samedi 30 janvier, je quitte la famille qui m'a accueilli pour une nuit dans son jardin.  Un petit café et trois fois deux litres d'eau filtrée pour la route.  Une carte de GSM ("Cell phone" en anglais), quelques réserves (pain, pâtes, corned beef, biscuits, bananes) et me voilà parti vers le Sud.  A peine sorti de la ville, une camionnette fait demi-tour.  Un Sud-Africain noir distingué me demande s'il peut me prendre en photo avec lui.  Il me donne son numéro de GSM à la ville (Polokwane) située à 200 km ("please contact me") ... et au moment de me quitter, me donne un billet de 100 rands (soit environ 5 Euros)pour aller boire un verre !

La suite est un peu plus dure.  Le monsieur blanc qui m'avait accueilli m'avait dit qu'il y avait un camping après 40 kms ... et bien non, après 60 kms toujours rien, rien que des fils de clotures (dont certains électriifiés pour dissuader les entrants et les sortants) des deux côtés de la route, pas la moindre maison, des lodges pour safaris à des kms sur une route en terre ... non merci!  

Le soir s'annonce et je ne trouve rien.  Je me renseigne auprès des gardiens de dépôts de matériaux divers, il y a une station d'essence "dans quelques kms".  Cela me parait long surtout que depuis longtemps, c'est un faux-plat montant !  Puis soudain la station d'essence apparait, ce n'est pas un mirage.  Elle est fermée mais il y a un gardien, un homme très gentil qui accepte que je plante ma tente.  Il veillera sur moi.

En effet, pas question de camping sauvage comme en Belgique ou en France ou dans le désert d'Atacama.  Des avis explicites de la police (voir photo) invitent les camionneurs à ne pas s'arrêter la nuit en dehors des zones réservées pour eux avec des grillages électrifiés.  Je passerai la nuit l'esprit tranquille après avoir fait de la place parmi un tas de brols.

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Le soir tombe ... enfin c'est un euphémisme, j'ai planté ma tente en dessous d'un gros spot qui ne s'éteindra qu'au lever du jour !  Levé à 5 heures, je démarre à 6 h.  Il fait frais. Un col de 20 kms.  Pas trop dur, mais long quand même: je mettrai 4 heures pour cette distance.  Deux tunnels ouverts en 1961 par un certain Verwoerd, nom Afrikaans.  A l'intérieur, un bruit assourdissant quand un camion s'y engouffre.  Le camionneur du lourd "truck" qui me suit, attend patiemment que je sois sorti du premier tunnel.  "Thanks you" ! 

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Vers 10h30, je bifurque vers une vielle ferme où il est possible de faire du camping.  Il est encore tôt mais je ne rate pas l'occasion qui doit être très rare.  Après m'être rafraichi dans la piscine, j'allume un feu pour me cuire des pâtes.  La suite de la journée : repos ...bien mérité.  En une semaine, j'ai dépassé les 700 kms ... je peux ralentir un peu !  Pour la seconde fois - la première c'était en 2009 au nord de Salta en Argentine - je passe le tropique du Capricorne, je me rapproche ainsi petit à petit du pôle Sud ... mais c'est encore loin !  Et puis comme diraient certain(e)s, il me faudra un pédalo pour continuer au-delà de Durban !

Lundi 1er février, la recherche d'un endroit sûr est un peu compliqué.  L'on me renseigne un ancien motel à 5 km.  Il y a bien un jeune qui le garde le jour mais pas la nuit.  Je n'ose pas - à 17h - me lancer dans les 50 kms restant jusqu'à la ville de Polokwane (anciennement Pietersburg).  "Only bush" me dit le jeune ... aucune maison ni pompe à essence.  

Je fais demi-tour et reviens au lodge où j'avais demandé le prix ... trop élevé pour mon budget.  J'explique aux gardiens du bar attenant que je cherche un endroit sûr pour monter la tente.  Finalement nous tombons d'accord pour 100 rands, l'équivalent payé au camping de la nuit précédente, pour un coin du bar pas trop éclairé.  Accès aux toilettes, eau chaude à disposition pour une soupe et des nouilles "asiatiques".  

La nuit sera plus ou moins bonne, les gars n'éteignant leur télé que tard ou plutôt le matin ... Au moment du départ, à 5 heures, un des deux gardiens dort encore.  Nous nous quittons ... le soleil radieux ne tarde pas à se lever.

Contrastes entre le post-apartheid et l'insécurité ambiante

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En passant près d'une école, les enfants étant en récréation, quelques-uns s'approchent du mur pour me saluer.  Deux filles blanches et deux filles noires en pleine harmonie dans une Afrique du Sud qui vit plutôt bien son post-apartheid même si tout n'est pas parfait ... est-ce parfait en Belgique, pour nous et nos communautés respectives avec X, Y et Z ...  ?  

Toutefois entre eux et moi, entre l'objectif et leurs visages, des fils barbelés - très visibles sur la photo autour de la tête des enfants - ne semblent pas inquiéter nos adorables fillettes.  Toutefois la réalité de l'insécurité - comme déja dit - me pousse à être très vigilant dans un pays réputé pour son nombre important de crimes par habitant.  Les maisons sont pour la plupart - même les "moyennes" - entourées de barbelés comme au champ d'aviation de Florennes. 

Un avis très explicite avertit les candidats voleurs : "arm response" (voir photo).   Le message de non-violence de Nelson Mandela (voir interview de John Stewart, message n° 17) est plus que jamais d'actualité !

Un igloo en Afrique !

Arrivé à Polokwane, je suis bien inspiré: je bifurque juste dans la rue où il y a un accueil des backpakers et un camping ... très bien entretenu par un Blanc.  Alors qu'il fait très chaud dehors, je me réfugie pour lire ("Afrika trek" d"Alexandre et Sonia Poussin) dans le local douches/toilettes ... installées dans un "bulle" en forme d'igloo ... qui porte bien son nom, il y fait plus frais!

A peine arrivé, je reçois un sms de Genock, le monsieur qui m'avait donné 100 rands pour me rafraîchir à la sortie de Musina.  Ce soir il m'invite à aller prendre un verre (qui devient un repas complet - voir photo) ensemble avec son frère, très sympa, prénommé Lucky (je lui ajouterais bien un second "Luck").

Rencontres et accueil en série...

Un jour de repos, j'en profite pour rencontrer une dame prénommée Motlanalo, la Directrice d'une ONG (Nkuzi Development Association) dont l'objectif principal est la défense des Droits des travailleurs dans les grandes fermes souvent encore gérées par des Blancs: droits des travailleurs eux-mêmes mais aussi droits des autres membres des familles, surtout les femmes et les enfants (accès à l'école, aux soins de santé, etc.)  

Exercice pratique pour moi, le surlendemain, vendredi 5 février: en recherche d'un endroit pour planter la tente, je me hasarde à franchir la grille d'une de ces fermes.  Une dizaine de tracteurs ; plongé dans le moteur d'un d'entre eux, un mécanicien blanc me renvoie au "chef".  J'explique à celui-ci fort occupé mon souhait ... il réfléchit de longues minutes, pendant lesquelles je sens combien mon sort de cette nuit est entre ses mains.  Il me répond : "juste un peu d'herbe" ... "ok, à côté des toilettes."  

Je monte ma tente près d'une maison dont l'enclos renferme dix chiens de toutes tailles; assez agressifs et aboyant ... à la limite je préfère encore un spot qui ne s'éteint qu'au matin !  C'est l'heure de la fin du travail.  Une dizaine de travailleurs agricoles s'approchent et veulent "tout" savoir sur mon voyage.  Ce sont des Zimbabwéens, jeunes pour la plupart.  Ils travaillent durant 5 mois d'affilée à raison de 100 Rands par jour (environ 6 euros) et ensuite ils ont le droit de retourner voir la famille durant une semaine.  Il y a un magasin dans la ferme ... où il payent leur nourriture bien sûr.  Le reste épargné est envoyé à l'épouse restée au pays.  Notez qu'au début des années 1950 en Belgique, "nous" avons traité les immigrés italiens de la même manière (voir la "cantine des italiens" à La Louvière) ... eux, ils pouvaient retourner en Italie, une fois par an !

Le jour précédent, vers 14 heures, j'interpelle des policiers qui ont planté leur voiture à l'abri d'un arbre.  Visiblement, ils font la sieste.  Je leur demande un endroit sûr pour passer la nuit ... "Near the Police Station", me répond l'un d'eux ... c'est à 30 km d'ici.  Fatigué par une longue journée de 80 kms, je m'arrête à l'entrée d'une réserve naturelle.  D'emblée, Walter un des gardiens accepte que je plante la tente dans l'enceinte du parc ... "en toute sécurité" me dit-il.  A force de savoir que l'insécurité est grande la nuit, les gens - y compris les policiers - vous accueillent facilement.

A la tombée de la nuit, un orage éclate en quelques minutes.  Le gardien arrive en me donnant l'ordre de quitter la "hutte" où j'ai monté la tente ... je passerai la nuit à l'abri de la pluie dans le local de conférence de la réserve naturelle où régulièrement des écoles viennent en visite.  Auprès de moi: chacal, hyène, chien sauvage, impala, antillope ... empaillés, rassurez-vous !

Avant d'arriver  à Lydenburg, j'ai vu comment les gens développent ce que l'on appelle l'économie informelle.  Au bord de la route j'ai vu plusieurs salons de coiffure (dont certains très rudimentaires, voir photos) et toute une série de car-washes improvisés constitués de quatre piquets et d'un toit en plastique.  Je me demande combien de clients ils se partagent sur la journée ?

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La région est très belle, semblable à celle des Vosges avec de belles moyennes montagnes ... et donc quelques côtes.  Région truffée de mines (platine, chrome, nickel) visibles à flanc de colline avec de très longues saignées noires, contrastant avec le vert originel. En me dirigeant vers le Sud, voila des montagnes, d'abord comme dans les Vosges, puis le Jura et ensuite la Suisse.

Il est vrai que je me rend au Swaziland, que l'on appelle - si je ne me trompe - la Suisse Africaine.  Ce dimanche 7 février, parti au lever du jour comme d'habitude, je suis arrivé au sommet d'un col de 2.15Om.  Les montagnes sont très belles et il fait assez frais à cette altitude.  Heureusement, j'ai mon polar !

Je continue d'être accueilli dans les fermes.  Ce dimanche 7 février, le fermier m'a proposé un bain d'au chaude ... ce que je n'ai pas refusé.  Le jour suivant approchant du Swaziland, un monsieur blanc s'arrête voyant que je cherche quelque chose.  Il me renseigne un camping.  Un peu plus loin, une dame m'invite à la suivre en voiture juqu'à ce camping situé dans un golf.  Guère habitué à ce genre de sport, je découvre un avis avertissant les passants "risque de traversée de balles de golf ... à vos risques et péril".  Bon, j'ai un casque !  Pour que l'herbe soit plus verte, celle-ci est aspergée sans relâche ... dans une région où les cultures ont soif !   Tiens, il paraît qu'en Belgique, vous êtes bien servis cet hiver !

Comme vous le constatez, les rencontres intéressantes se suivent !  Après le Zimbabwe, je suis ravis de l'Afrique du Sud !  Demain le Swaziland ...

Le lundi de Pâques, participez vous aussi à la Transafrica 2016 !

en rejoignant - avec votre vélo (VTT, de course, avec ou sans assistance électrique) - la dernière étape de cette traversée africaine de près de 6.000 kms à vélo.  Le départ sera donné le lundi 28 mars 2016 à 8h au 36 de l'allée St-Vincent à Jambes vers le Square Nelson Mandela de Gesves via le RAVel jusque Thon-Samson et la vallée du même nom. Pour les non cyclistes rendez-vous à 1Oh en contrebas de l'église de Gesves, chaussée de Gramptinne.  A cet endroit qui porte le nom du premier président noir de l'Afrique du Sud, je déposerai symboliquement les quelques cailloux que je ramènerai du cimetière de Qunu où ce grand homme a voulu être enterré.

Léon