Rentré en Belgique ce samedi 16 mars 2019, avec un peu de recul par rapport au défi que je viens de relever, voici quelques réflexions et le bilan de ce que je viens de vivre durant 10 semaines en Amérique Australe.

Dernier regard sur la ville de San Carlos Bariloche et son lac,
un des lacs les plus étendus d'Argentine

Bilan des 4 voyages en Amérique du Sud de 2009 à 2019

Au départ en 2003, mon rêve était de parcourir à vélo « uniquement » le Chili – le pays le plus long de l’Amérique du Sud - du Nord au Sud. Mais c’est d’Equateur que je suis parti en mai 2009 avec comme objectif : « grimper » dans la cordillère des Andes et atteindre Salta dans le Nord de l’Argentine.

Après l’Equateur et une brève incursion en Amazonie sur le Rio Napo, ce fut le Pérou durant un peu plus de trois mois, la Bolivie et le Nord de l’Argentine. En janvier 2013, je repars en Argentine en vue de retraverser les Andes de Salta vers le désert d’Atacama au Chili par le difficile col de Sico (neige) et d’atteindre Santiago.

L’an passé en 2018, je me remets en route en espérant aller le plus loin possible sur la route d’Ushuaïa : j’arrive à San Carlos de Bariloche. Cette année 2019, mal inspiré, je choisi de partir de l’extrême sud pour revenir à Bariloche et ainsi compléter la liaison Equateur – Terre de Feu. En fait les vents seront souvent contraires, et pour contourner la difficulté, je change d’itinéraire en m’offrant la « Carretera Austral » avec ses 600 km de ripio (cailloux), mais aussi la beauté de ses montagnes, lacs et rivières, et de nombreuses et belles rencontres de voyageurs (à pied, à vélo, etc.) de tous pays.

En termes de kms parcourus, voici le détail

  • Voyage 2009 6.988 km en 112 jours moyenne : 10.6 km/h
  • Voyage 2013 2.838 km en 42 jours moyenne : 10.3 km/h
  • Voyage 2018 1.964 km en 26 jours moyenne : 11.1 km/h
  • Voyage 2019 3.020 km en 53 jours moyenne : 9,1 km/h

De Quito à Ushuaïa : 14.810 km en 233 jours

Remarque : pour la totalité de ces 14.810 km, le vélo « Da Silva » n’a connu « que » 4 crevaisons et 4 paires de pneus, « Schwalbe », qualité allemande faut-il préciser !

Remarque importante : la totalité du parcours depuis Quito en Equateur à Ushuaïa en Argentine a été réalisée à vélo comme unique moyen de locomotion; jamais, je n’ai accepté de « monter » dans un camion ou un autre véhicule dont le chauffeur se proposait gentiment d’abréger des montées parfois très longues en distance et en durée.

Des messages de soutien, par dizaines

« Meu Deus, que cela a passé vite !»

Des messages reçus pour encourager un cycliste en lutte contre le vent, la pluie, depuis les intempéries de la région australe jusqu’au soleil réchauffant de la province du Rio Negro dont San Carlos de Bariloche est la ville la plus importante.

Je ne puis que remercier celles et ceux qui ont répondu à mes messages : cela représente 324 messages de 108 personnes différentes, c’est tout simplement incroyable l’intérêt porté à un défi qui n’utilise pourtant qu’un moyen tout simple de déplacement.

L’accueil à San Carlos Bariloche chez Graziela et Marcelo.

Deux jours et deux nuits passés chez ce couple sympathique, engagé depuis longtemps au service du développement et plus spécialement des familles démunies d’une Argentine qui ne cesse de passer de crise en crise. Le courage de gens qui osent consacrer leur vie à la cause de la justice dans un pays où ceux qui recherchent le pouvoir ne voient pas d’un bon œil, celles et ceux qui choisissent de lutter à côté de ceux qui sont victimes du système dominant.

« Ainsi me raconte Graziela, nous étions jeunes en 1984, en principe la dictature des militaires initiée en 1976, était finie depuis deux ans; nous nous rendions le samedi dans un bidonville, attentifs aux problèmes nombreux que les familles démunies rencontraient au jour le jour. Nous étions suivis par une voiture Ford Falcon et nous savions que les passagers n’étaient pas des enfants de chœur mais de sinistres militaires ou paramilitaires qui ne nous voulaient certainement pas du bien ! Si bien que les responsables de la paroisse du bidonville nous ont priés de ne plus venir durant quelques mois, pour ne pas mettre en danger nos vies et celles des résidents ».

Trente ans après, le pays ne s’est pas encore remis de ces années sombres qui a couté la vie à 30.000 disparus : des enfants, des jeunes, des papas, des mamans pour lesquels des gens déterminés continuent à exiger des nouvelles, une demande la plupart du temps restée vaine dans un climat voulu d’impunité « en faveur » de leurs bourreaux.

Quant à la situation politique de l’Argentine de ces dernières années, l’évolution est semblable à celle du Brésil (voir mon premier message de janvier 2019) où les dirigeants suivent les mêmes orientations imposées par le grand voisin du Nord, les Etats-Unis qui n’ont jamais cessé de considérer les pays d’Amérique « dite latine » comme leur jardin ou le terrain de chasse « gardée » de leurs intérêts.

Avec Graziela et Marcelo, nous échangeons sur l’évolution de pays comme l’Argentine, le Brésil, le Chili pour constater qu’en Europe, la même évolution se fait de plus en plus sentir, sous la pression d’un néo-libéralisme qui devient de plus en plus prégnant et ce, au niveau de la planète entière.

Sur la route de l’aéroport, un projet financé par des écotaxes.

Terminons par une information positive. Jeudi 14 mars 2019, 15h15 Marcelo me conduit à l’aéroport de Bariloche. Des ouvriers travaillent à l’embellissement d’un côté de la route, avec des pelouses abondamment arrosées avec l’eau pompée du lac tout proche; ce beau projet a pour but de faciliter sur quelques kilomètres le déplacement des usagers dit faibles : une sorte de « cyclovia » réservée également aux piétons (familles, enfants, etc.) et éviter ainsi de devoir rouler au même endroit que les voitures, ce que j’ai du souvent faire – à mes risques et périls - lors de mes voyages !

Belle initiative financée par une taxe dite écologique, prélevée sur une partie des recettes engendrées par le tourisme. Car dans cette région de Bariloche, il n’y a pas que des touristes cyclistes, en route vers ou venant d’Ushuaïa mais aussi de nombreux randonneurs, et d’innombrables skieurs (20 vols par jour en haute saison amenant les Brésiliens en manque de neige) vers la montagne blanche du mont Cardenal, que j’ai choisi de ne pas monter avec mon vélo bardé de bagages, vous comprendrez... !

Une manif pour le climat, bravo les jeunes !

Vendredi 15 mars 2019. Au moment où à Bruxelles et dans d’autres villes – et même au niveau mondial d’une planète qui en a urgemment besoin - se prépare une manifestation pour le climat initiée surtout par des jeunes, je suis cette importante information, à moitié couché sur mon matelas auto-gonflant dans le hall d’attente de l’aéroport d’Ezeiza à Buenos Aires.

En effet, sur le chemin du retour de la « Transandina », l’escale prévue dans la capitale argentine est de 17 heures incluant une nuit complète de jeudi à vendredi. Si bien que je fais comme la plupart des gens en transit, nous bivouaquons (voir photo) à un endroit prévu pour cela (je doute qu’à Zaventem, il y ait un tel endroit, à moins qu’au « centre fermé tout proche » !) Je regrette non pas l’inconfort (depuis 65 jours, j’ai l’habitude dans ma petite « carpa ») mais c’est d’arriver à Zaventem 24 heures après cette belle et nécessaire manif !

Des projets de voyage pour les années à venir

L’inconfort, vous l’avez bien compris grâce à l’écriture de mes messages, ne me fait pas (plus) peur. C’est pour moi un véritable bonheur de camper dans la nature – au calme surtout – et de découvrir au couchant comme au levant, et entre les deux, les merveilles de la création. Il est urgent, pour le bonheur à venir de nos petits et arrière-petits-enfants de faire connaître ce qui existe encore et risque de disparaitre : glaciers, espèces animales et végétales, sans oublier tout ce qui tourne autour de la préservation des valeurs humaines, et là, le travail de conscientisation et d’action ne manque pas !

Comme je vous l’ai laissé entendre dans mon message précédent, je compte bien sûr continuer à randonner à vélo. Ma compagne Danielle me trouve un peu « à l’étroit » en Belgique quand je ne suis pas avec mon compagnon le vélo en train d’arpenter les grands espaces de notre planète.

Dans ce domaine, il y a encore certainement pas mal de choix possibles pour ces dix prochaines années. En commençant vraisemblablement en 2020 ou 2021 par le chaînon manquant de la traversée de l’Amérique du Sud : le tronçon de Cartagena (à l’extrême Nord de la Colombie) à Quito que je « quittais » en mai 2009 pour me lancer dans cette très longue aventure, que j’ai nommée et écrite « en lettres vélocipédiques » – comme dirait mon professeur de Français Jacques Trépant, la Transandina !

Témoignage à Namur en mai et album photos

Dès mon retour à Namur, plusieurs personnes m’ont demandé si j’avais prévu une « conférence » sur ce récent voyage. Il n’y aura pas de film comme lors des voyages précédents mais un témoignage accompagné d’un « PowerPoint » avec les photos les plus belles et quelques séquences filmées parmi les passages les plus difficiles de la Patagonie, de la Terre de Feu à la Carretera Austral.

Cela aura lieu vraisemblablement en mai à Namur. Vous serez tenus au courant. De même qu’un album-photos est en préparation, à vous de me dire si cela vous intéresse,

A vous revoir « tout bientôt », Abrazos muy fuerte !

Léon Tillieux
leontillieux @ hotmail.com
gsm : +32 478 618581


Dernier regard sur les lacs argentins