Arrivée à Carthagène des Indes

Le voyage via Amsterdam et Bogota s’est bien passé malgré un départ quelque peu mouvementé. En cause, quelques effets à retirer d’un bagage pesant 24,60 kg au lieu de 23,00 kg permis. De même le vélo pesait 25 kg au lieu de 23 kg mais la dame à la réception (KLM) m’a fait une fleur pour le vélo, car sinon je devais payer deux fois 100 euros de surtaxe. Comme elle ne m’en offrait pas deux, du bagage pesant 24,6 kg, j’ai retiré quelques effets emmenés en cabine. Car c’eut été un peu cher pour du chocolat. même si c’est du belge ! Mais pour cela il a fallu enlever tous les nœuds et reconditionner le bagage. soit une demi-heure de travail et d’énervement. A l’avenir, je saurai que je n’ai aucune marge, même pas un kg, surtout chez nos voisins du Nord !

A Schiphol, aéroport d’Amsterdam, entre deux avions, je reçois des courriels de mon cousin Hubert et d’amis Français qui me disent avoir trouvé des points d’accueil le long de la cordillère des Andes me conduisant à Quito en Equateur et notamment à Medellin. Bref après quelques gouttes de sueur provoquées par le surpoids des bagages, le voyage semble bien commencer.

La veille du départ, après avoir regardé les émissions sur ARTE ayant comme thème « les décolonisations », je me suis remis en mémoire tous les problèmes causés en Afrique et en Asie, dont une bonne partie sont imputables aux puissances colonisatrices européennes : Angleterre, France, Allemagne. et Belgique en commençant – pour ce pays qui nous concerne - par le temps où le Congo était propriété du Roi Léopold II.

Les colonisateurs prétendaient amener dans les nouveaux continents les bienfaits de la « civilisation » européenne. Une façon d’occulter les intérêts réels recherchés en Afrique, Asie et Amériques : or, argent, minerais stratégiques : l’uranium congolais pour la fabrication, il y a 75 ans des bombes d’Hiroshima et Nagasaki, etc. Maintenant le coltan et autres ingrédients (comme le lithium du Salar d’Uyuni en Bolivie qui vaut bien la destitution du premier président indien) nécessaires aux batteries des voitures électriques, sensées alléger dans le futur le poids de la pollution et réduire le réchauffement climatique). Ouie... dans quel genre de questions embêtantes, je vous emmène encore diraient certains?

En arrivant en Colombie, j’appréhendais le fait de me retrouver dans le continent où un nombre impressionnant de « migrants non volontaires » ont fait l’objet durant des siècles du trafic le plus éhonté de l’histoire humaine : l’esclavage. Dès le premier jour, dès 7 heures du matin, j’ai croisé les descendants de ces esclaves, puisqu’ils (elles plutôt) se sont levé.e.s tôt pour préparer les fruits qu’ils vendront aux touristes venus visiter un des ports par lesquels ces « migrants » découvrirent le nouveau monde... Mais ce n’était nullement un voyage d’agrément.

Personne ne peut les louper avec leurs grandes robes multicolores (voir photo). Cela fait bien dans le décor de ces très belles maisons coloniales. Il est vrai que Carthagène des Indes est magnifique ! 

Un devoir de mémoire

Dans cet ordre d’idées, voici pour notre réflexion la traduction (en Français) du texte très intéressant affiché à l’espace mémoriel de la ville de Carthagène, sur un mur des énormes murailles du fort, construit par les Espagnols (encore eux) comme dans les autres pays où ils ont perpétré un tas de méfaits (Cuba, Pérou, etc.)

« La carte que vous voyez montre comment historiquement se déplaça la population « nègre » vers Carthagène des Indes. Mettre ses pas dans ceux que ces êtres humains ont parcourus pour entendre leur mémoire douloureuse de résistance et de soif de liberté. C’est une manière de sensibiliser ceux qui visitent cette ville avec un regard historique en vue de restituer la vérité. C’est aussi une façon de reconnaître l’importance des valeurs culturelles actuelles des peuples afro-descendants dans la construction de l’identité du territoire de ce pays. C’est un compromis éthique dans cette lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les formes connexes d’intolérance. »

Ce texte est proposé aux milliers de touristes qui visitent Carthagène des Indes que l’on pourrait rebaptiser  « Carthagène des Afriques », puisque la plupart des noirs réduits à l’esclavage venaient de plusieurs régions d’Afrique noire. Un texte à proposer à la méditation de celles et ceux qui ne sont pas convaincus de l’importance de travailler la question du racisme. Au vu où les choses évoluent dans plusieurs pays d’Europe (dont le nôtre) et d’ailleurs, il y a encore beaucoup de travail !

La belle ville coloniale de Carthagène des Indes

En route vers l’Est vers Santa Marta

Après avoir visité Carthagène des Indes, je me suis mis en route vers Santa Marta, située eu Nord-est de mon point de débarquement. Après une première nuit à la belle étoile à l’abri d’un passage souterrain réservé pour les vaches sous la voie rapide, j’ai pris le temps de me baigner dans l’eau chaude de la mer des Antilles (« Non, Théo, animateur à RCF ; ce n’est pas le Pacifique, ni la mer des Caraïbes »).

Le soir du deuxième jour, j’ai eu la chance de bénéficier de l’hospitalité d’un jeune couple, Miguel et Kelly qui gardent le troupeau de 100 vaches d’un propriétaire du coin. Une chambre pour moi, les enfants étant momentanément chez les grands-parents car la petite maison ne dispose pas pour l’instant d’électricité.

Un bon café colombien, du riz avec des haricots et au petit matin, des pâtes avec des œufs (ils ont aussi des poules). La proximité de la mer m’a permis d’y aller plonger au crépuscule et au petit matin, une belle balade avec mes hôtes sur une magnifique plage déserte « accueillant » malheureusement d’innombrables déchets plastiques et autres rejetés par les bateaux. 

Miguel et Kelly m'ont accueilli dans leur maison sans électricité.

Dimanche 12 janvier, la longue route vers Barranquilla fut étouffante surtout en fin d’après-midi. N’ayant pas trouvé le centre, je me suis retrouvé sur la route de Santa Marta. Au restaurant où je me régalais d’un bon poulet-frites agrémenté de ketchup, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille chargée du nettoyage. Nathalia est toute jeune et fait partie de ces milliers de migrants venant du Venezuela voisin, en proie avec une crise sans précédent, au bord de la banqueroute, alors qu’il y a 50 ans, c’était un des pays les plus riches et développés de l’Amérique « Latine », grâce notamment au pétrole. Des innombrables migrants ayant quitté le Venezuela vers d’autres pays, un million sont arrivés en Colombie !

Nathalia, migrante vénézuélienne. comme des millions d'autres en Amérique

Alors que la nuit était déjà tombée, j’ai franchi l’immense pont menant vers l’Est, très élevé pour permettre le passage des immenses bateaux du Rio Magdalena (rappelez-vous le récent reportage d’une chaine française « au bout du fleuve, il y a la mer »). De l’autre côté, j’ai cherché à m’éloigner des innombrables échoppes marchandes, vendant un tas de gadgets, le tout accompagné d’une musique plus qu’assourdissante.. portant à des km (ouie ouie... si Julos entendais ça !).

Sept km après la sortie de la ville, après avoir demandé pour pouvoir planter ma tente dans le jardin, la troisième fois fut la bonne. Je fus invité à dormir à même le sol, dans une chambre inoccupée d’une maison attenante à celle d’une famille nombreuse. Pour la toilette, le tonneau d’eau et un récipient en plastique très efficace et surtout bien venu par cette chaleur. Et oui, ce n’est plus la Patagonie, plus de froid, plus de pluie (dans la région, ils ont connu 5 années de suite sans pluie)... et plus de vent violent.

Mais une chaleur terrible surtout l’après-midi à un point tel que je me suis déjà demandé plusieurs fois « pourquoi suis-je venu dans cette galère ?». Mais je me ressaisis et je regarde la carte. Medellin et Quito sont encore loin. Pour l’instant au bord de la mer, l’altitude n’est guère élevée. A partir de Medellin et surtout de Cali jusque Quito en Equateur, ce sera autre chose.

Le pont au-dessus du fleuve Magdalena

Encore une belle nuit d’accueil... sans rien demander !

Ce lundi 13 janvier, vers 16h30, 15 km avant d’arriver à Santa Marta, je me fais dépasser par un cycliste sexagénaire. En haut d’une montée, il m’attend... et m’invite à passer la nuit chez lui, au 9ème étage d’un bâtiment construit au bord d’une des plus belles plages de Colombie. Je ne m’attendais pas à cela, moi qui me demandais dans quel camping ou chez quelles personnes j’allais passer la nuit.

Et pourtant cette fois-ci, je n’ai rien demandé. Climaco, c’est son prénom (il a travaillé notamment en Equateur, au Venezuela et en Colombie dans « le pétrole ») me dit « A une bonne personne, il ne peut arriver rien d’autre que du bon ».

Climaco m’explique qu’il loue un appartement au 9ème étage d’un bâtiment qui en compte 14. Les ascenseurs ont disparu, ainsi que les fenêtres, les câblages électriques, les conduites d’eau et la robinetterie. Construit il y a 20 ans, il appartenait à la mafia des narcotrafiquants et fut récemment vendu à l’Etat. Chaque jour une pompe pousse l’eau pour les besoins élémentaires des locataires. Donc pas de douche mais un bon repas préparé par mon hôte ; lequel attend sa pension pour migrer vers Zurich !

Visite du parc National Naturel de Tayrona

Avec Climaco, juchés sur sa moto, nous slalomons entre bus, camions et voitures qui se rendent à Santa Clara. Nous montons encore plus au Nord vers l’entrée d’un des parcs nationaux les plus importants de Colombie : celui de Tayrona du nom de la rivière qui le traverse.. Arrivés très tôt, nous évitons la longue file des visiteurs... limités à 1.800 par jour, comme au Machu Pichu au Pérou. Nous commençons par une boucle via un mirador nous permettant de prendre de la hauteur pour admirer les paysages (voir photo)

Ce sera ensuite les plages, les plus belles les unes que les autres et comme le disent tous les responsables touristiques de tous les pays : « ce sont les plus belles plages du monde ! ». Il est vrai qu’il n’y a aucun building comme au bord de tant de plages bétonnées, voir privatisées dans de nombreux pays. De plus les restaurants et autres boutiques se cachent sous des toits de paille.

Les normes fixées pour ce parc national sont très stricts. A midi, nous dégustons un délicieux poisson et des pâtres aux crevettes pêchées dans la mer des Antilles. Une journée de repos sur la plage quoique, aves les trois heures de marche totalisant un bon dénivelé, demain, les jambes auront mal pour faire faire tourner les pédales du vélo !

Un tout grand merci à Climaco qui m’a ouvert son appartement ; selon lui, c’est ainsi que les Colombiens accueillent les visiteurs étrangers. C’est bon à savoir et j’ai bien fait de venir !

Le prochain message vous parviendra de la route de la Transandina 2020 vers le Sud-ouest, vraisemblablement à Medellin ; ce sera entre 10 et 15 jours, le temps de parcourir les 800 km qui séparent cette ville de Santa Clara où je démarre ce jeudi 16 janvier 2029 au matin.

Amitiés, Léon Tillieux

Ce cycliste voyage avec son chien. mais "on" leur a volé la tente.

 

sourire et inquiétude

Le filet tant de fois relancé pour une prise dérisoire