Chers amies et amis,
 
Me voilà à 50 kms de Lusaka, la capitale de la Zambie. Tout va bien !

Mais tout d'abord, qui est-il ce Pierre Ruquoy?

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Pierre, originaire de Ligny, missionnaire Scheutiste, a suivi sa formation successivement à Namur, Mexico et Rome.  Mais avant d'étudier la théologie et d'être ordonné prêtre - afin dit-il d'avoir une formation pas trop "cléricale" -  il a vécu durant 5 ans au milieu des villageois en République Dominicaine à Cabeza del Toro ... comme l'un d'entre eux, vivant simplement et apprenant, entre autre, à monter à cheval, à cultiver la terre mais surtout à découvrir la profondeur des relations humaines.  
 
Avant de partir pour la Zambie en 2006, sa nouvelle terre de mission, il passe plusieurs mois pour se ressourcer à l'abbaye de Soleilmont, située non loin du R3 de Charleroi, pensant terminer sa vie comme moine contemplatif.  Mais le virus de l'engagement auprès des plus petits refait surface et le voilà - en 2007 - dans la région de Kabwé, à deux pas du barrage sur la rivière Mulungushi.
 
Sept ans après son arrivée en terre africaine, Pierre se débrouille pas mal dans cette langue difficile qu'est le Cibemba (dont je vous ai appris un mot dans mon message précédent : Mwashibukeni pour "Bonjour").  Les premiers temps, il ne cesse de se déplacer dans cette immense paroisse rurale (120 villages), étendue comme la province de Namur, qui lui a été confiée avec des dizaines de succursales.

C'est là qu'il retournera comme curé.  Il sera ensuite responsable d'une radio communautaire au niveau local et ensuite des radios catholiques au niveau de l'Amérique Latine, ce qui l'amènera à résister clandestinement - par les ondes, en créole - au coup d'état de Raoul Cedras en Haïti en 1991. 

Au début des années 1990, il rejoint les Bateys, partageant la souffrance de ce peuple exploité de planteurs de canne à sucre, originaires de Haïti, travaillant comme des esclaves (moins de deux dollars par jour) en République Dominicaine. 

Son presbytère étant avant tout une maison d'accueil, il n'hésitait pas à traverser la frontière entre Haïti et République Dominicaine pour défendre les droits de ces travailleurs. Jusqu'au jour où, 30 ans après son arrivée dans cette terre où déjà il avait adopté plusieurs orphelins,  les menaces de représailles  et menaces de mort des propriétaires des sucreries et autres politiciens devinrent tellement dangereuses que ses supérieurs décidèrent de l'envoyer en mission dans un autre pays. 

Il s'agit du premier barrage hydro-électrique contruit en Afrique par les Anglais dans les années entre 1910 et 1929.  C'est tout près d'ici, historiquement, le 22 décembre 1978, alors que des membres de l'armée de libération du Zimbabwe (qui à l'époque s'appelait encore la Rhodésie du Sud) s'entrainaient clandestinement, que des avions militaires commandés par les Anglais de Rhodésie du Sud sont venus les bombarder, tuant 200 d'entre eux, en violant l'espace aérien de la Zambie.

Cet épisode organisé au mépris des lois internationales ne fit l'objet d'aucun écho dans la presse nationale ni internationale. Trente cinq ans après, les victimes et surtout leurs familles attendent toujours un monument ou une cérémonie de reconnaissance ... pour ne pas tomber dans l'oubli!

Certains week-ends, il part en brousse pour célébrer 10 messes d'affilée du vendredi soir au dimanche, n'hésitant pas à camper sur place deux nuits dans une petite tente. Puis, un jour, il change de mission ... tout en restant fidèle à ses engagements de toujours.

Les orphelins de "Sunflowers"

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En effet en Zambie, les enfants devenus orphelins suite à la mort des parents provoquée par ce fléau qu'est le sida, sont légions.  Selon l'UNICEF, en Zambie, un enfant sur quatre a perdu ses parents.  En 2007, Pierre accueille chez lui Kasonde, un des premiers jeunes (17 ans) à frapper à sa porte. C'est le début d'une longue histoire ... à ce jour, ils sont plus d'une centaine trouvant ici un lieu d'accueil, une table, la possibilité d'aller à l'école .. et de nouvelles raisons de vivre.  

The "Sunflowers" tel est le nom choisi pour ce lieu ... symbole d'espoir pour ceux et celles qui y vivent.  Parmi les plus grands, l'un ou l'autre suivent une formation d'infirmier ou d'enseignant.  

Un jour, certains parviendront vraisemblablement à l'université et comme au Guatemala - voir le projet de bourses d'études pour les Indiens de ce pays, une autre initiative de Pierre via l'ASBL SIG (Solidarité avec les Indiens du Guatemala) initiée dans sa première vie Mexicaine - ils prendront leurs responsabilités au service de leur peuple et du développement de leur pays africain.

Autre signe positif de ce lieu d'accueil, les enfants sont les seuls de la région à se rendre à l'école après avoir déjeuné ... les autres arrivent à l'école le ventre creux, le seul repas quotidien ayant lieu pour ces derniers vers 14 heures avec la purée de maïs, le "Nshima" et très rarement un petit morceau de poulet. Au menu des enfants de Pierre: oeufs, poulet, poisson, boudin, etc. 

Rappelons-nous le texte du rêve célèbre de Martin Luther King "Je rêve qu'un jour chaque enfant du monde recevra trois repas par jour ..."  Aux "Sunflowers", ce rêve est une réalité !

Les autres rêves de Pierre

Parmi ces rêves, la construction d'un hôpital où pourraient être soignés les malades du Sida, innombrables dans la région; une bibliothèque; la transformation de l'ancienne église en salle d'études; une troupe de théâtre-action comme il avait mis sur pied en République Dominicaine ... etc.   Autant de ponts à construire pour que en priorité, les Droits des plus faibles soient respectés, au delà des différences d'ethnies, langues, nationalités et dénominations religieuses

Une "hutte" de plus pour 10 garçons grâce aux parrainages de la Transafrica 2015.

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Une somme dépassant les mille euros a été versée sur le compte des "Sunflowers"  grâce à vos parrainages et au Groupe Tiers-Monde de Gesves.  Avec cet argent, une nouvelle hutte (dortoir) pour 10 garçons verra le jour bientôt aux "Sunflowers"... exactement à l'endroit où est prise la photo de groupe ci-dessus.

Un petit "flash back" : arrivée aux "Sunflowers" le lundi 23 février 2015 à 18h

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La route de Kabwe à Mulungushi est débordante de pluie lorsque Amos, le chauffeur m'amène aux "Sunflowers" avec le 4x4.  Dans la case centrale, tous attendent celui qui est venu jusqu'à eux de si loin avec un vélo !  Certains ne croyaient pas cela possible ! Premier "rite" d'accueil avant un repas on ne peut plus belge prévu par Pierre (compote de pommes, boudin fabriqué à partir des cochons de la ferme ... et frites !)

Ensuite soirée au cours de laquelle se mêlent chants, paroles d'accueil, partage de gâteaux et ... de nombreuses questions.  Le vélo est amené en tant qu'instrument ou mieux "acteur" principal de ce défi.  Les gars "veulent tout savoir" sur cet étonnant voyage : détails techniques, nourriture, problèmes rencontrés, motivations, rencontres, hébergement, etc.

Un menu de "lion"

Après une longue traversée de "désert" avec pas grand chose à se mettre sous la dent (voir messages précédents), ce passage aux "Sunflowers" me permet de regagner un peu de forces (et de poids peut-être, ce qui ne fera pas de tort).  

Le cuisinier prépare pour le premier jour, outre un délicieux potage aux potirons du potager, un succulent gigot de "phacochère" ... tout en me montrant dans le congélateur un morceau d'antilope qui a courru le risque de s'échapper du parc national de Luangwa (dont le centre se trouve à plusieurs centaines de kms à l'Est d'ici mais dont la limite occidentale vient "toucher" le lac tout proche).

Rencontre du résident le plus âgé des "Sunflowers"

B01 Beni grand-pere.JPGIl s'appelle Béni, 87 ans, il vit également ici.  Il est de la tribu des "Loozi", ce peuple de pêcheurs qui dans le système traditionnel Zambien continue à avoir son propre Roi.  Lorsqu'un Loozi meurt, il est enterré dans sa pirogue.  Comme ailleurs en Afrique, les personnes âgées sont très respectées. Béni, résident dans une petite maison à la limite de l'orphelinat est présent lors de toutes les activités du centre.

Un système de biométhanisation ... et des toilettes écologiques.

Il y a quelques mois, l'ingénieur-prêtre Pierre Gillet de Jambes, bien connu d'Entraide et Fraternité (et des pêcheurs du Kérala en Inde) est venu installer aux "Sunflowers" un système de biométhanisation. 

Grâce aux excréments des cochons et aux fiandres des poules, l'orphelinat dispose désormais "gratuitement" du gaz nécessaire à sa consommation.  Une alternative intelligente au charbon de bois, une des causes du déboisement du pays.  Grâce à Pierre également, l'orphelinat utilise de nouvelles toilettes écologiques semblables à celles décrites lors de la visite au Burundi (voir message n° 4). 

Visite du barrage de Mulungushi et vente de poulets aux villageois.

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Ce mercredi 25 février 2015, départ avec le 4x4 avec Pierre au volant et 45 poulets qui seront vendus aux personnes travaillant à la centrale hydro-électrique et aux villageois.

Dans un tournant, après avoir franchi la rivière chargée des eaux tumultueuses des récents orages, nous découvrons un panneau on ne peut plus insolite : "Beware crocodiles !"

Il y a quelques années, un enfant d'une famille venue se détendre au club nautique a disparu, emporté par un de ces animaux terriblement dangereux!  Nous laissons les trois amis de "Sunflowers" procéder à la vente des poulets, plus que mouillés par une pluie insistante.  Nous descendons par un funiculaire jusqu'à la rivière au bord de laquelle se trouve la centrale érigée par les Anglais.

Quatre énormes générateurs d'électricité reçoivent l'eau qui dégringole avec force depuis le barrage supérieur via d'énormes conduites.  Deux machines ont plus de 8O ans et portent la marque de fabrique britannique; quant à la dernière, les caractères chinois nous montrent que les Asiatiques sont aussi présents dans ce domaine-clef qu'est la production d'énergie électrique.  Au tableau de bord, le personnel préfère le contrôle via les cadrans traditionnels plutôt qu'au moyen d'écrans d'ordinateur.

Les pêcheurs veulent voir le vélo de la Transafrica.

Ce jeudi 26 au matin, Joseph de l'orphelinat m'accompagne jusqu'au lac.  Nous rencontrons des pêcheurs.  Joseph leur décrit la fameuse bicyclette venue de Belgique.  Ils sont tellement désireux de la voir que je suis allé la chercher pour la leur montrer.  D'autres pêcheurs accostent leurs pirogues; ils veulent me vendre une partie des poissons qu'ils viennent de pêcher.  Je les ramène à Chanda le cuisinier qui les préparera pour le repas du soir.  Pierre me dit qu'il arrive qu'un pêcheur soit happé par un crocodile ... un métier à risque dans ce coin apparemment tranquille de Zambie !

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Un ancien mineur nous raconte l'apartheid.

Ce jeudi 26 après-midi, nous rendons visite, Pierre et moi à un ancien mineur et à son épouse, Suf-Africaine d'origine. Ils sont très heureux de nous accueillir dans la case cuisine à moitié branlante.  Quand l'Etat Zambien a privatisé les mines (argent, cuivre, etc), de nombreux mineurs licenciés, à titre d'indemnisation, ont reçu un lopin de terre dans la région.  

N'étant pas agriculteurs, ils sont quelque peu "perdus" dans ce coin, vivant dans des conditions très précaires.  Dans un anglais impeccable, Muyingu nous décrit la situation du temps de la colonisation et nous parle d'une façon très précise de l'apartheid dans les deux Rhodésies.  Ayant vu plusieurs Belges se marier avec des Africaines, il nous considère plus ouverts que les Anglais qui ne se frayaient pas avec les "coloured people".  

Ceci dit, la colonisation anglaise, 50 ans après, présente encore de nombreux effets positifs (état des routes, des services publics, des hôpitaux et de l'enseignement), ce qui est loin d'être le cas dans les pays Africains francophones ...  particulièrement au Congo !

Visite de l'école primaire et moyenne et du Lycée

La plupart des enfants des "Sunflowers" étudient dans ces écoles.  Au Lycée, le directeur m'accueille en disant : "Je vous connais, je vous ai vu dimanche sur la route venant de Kapiri Mposhi !"  Evidemment avec mon arnachement et mon drapeau écarteur rouge et jaune, je ne passe pas inaperçu !  Dans les classes régne une athmosphère très studieuse ... très "british" !  Les élèves portent un uniforme et une cravate.

Préparation du vélo pour la suite du voyage en présence des gars de "Sunflowers"

Dimanche 1er mars 2015, après le repas (au menu du poulet maison),  tous les gars de "Sunflowers" sont réunis autour du vélo.  Ils assitent au chargement des bagages sur le support roulant du voyage afin qu'ils puissent se rendre compte "de visu" des conditions réelles de ce type de déplacement. C'est ensuite la photo de "famille" ... une belle famille avec le "papa" ou plutôt le "grand-père" Pierre et ses enfants dont le nombre dépasse maintenant la centaine depuis l'arrivée - mardi dernier -  d'Alfred  venant de Lusaka ... et deux autres encore ce dimanche !

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Au cours de l'homélie de la messe dominicale, Pierre a parlé d'Abraham (personnage commun au trois religions monothéistes), de Nelson Mandela (qui a jeté des ponts pour construire une nation arc-en-ciel) et de la Transafrica, qui a comme objectif de relier le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud jusqu'au village de Qunu (en 2016).  Le soir, après les dernières complies, "merci" réciproques et dernières serrées de mains.

Départ vers Lusaka, capitale de la Zambie.

Lundi 2 mars 2015, très tôt la camionnette de "Sunflowers" me ramène à Kabwe.  Je pars avec en poche de nouvelles adresses de contact pour la suite du voyage vers le Sud.  Au programme: visite du parc national animalier de Luangwa (voyage en bus) et visite d'une "ferme" de crocodiles ... de belles et étranges rencontres en perspective !   
 
Merci pour vos nombreux messages... le prochain, ce sera dans x jours au Zimbabwe.

Je n'ai plus pédalé depuis huit jours mais je me sens un peu "remplumé" ayant mangé du poulet; pour les jambes, cela devrait aller plus facilement, ayant avalé de l'antilope ... heureusement, je n'ai pas encore mangé de steak au crocodile !  Sur la route de Lusaka, deux policiers m'interpellent amicalement et me demandent pourquoi je voyage à vélo ... "to go slowly", telle est ma réponse.  Ils rient mais je ne suis pas sûr qu'ils comprennent vraiment pourquoi.  Il est vrai que les véhicules qu'ils contrôlent roulent nettement plus vite ... avec les résultats que l'on sait !

Des précisions concernant les messages précédents

Le repas quotidien des familles de la région s'appelle le "Nshima" et est cuisiné à partir de maïs réduit en poudre fine et malaxé dans de l'eau bouillante. Le nom du fils de Nicole Regnier qui nous a donné des informations précises sur la Tanzanie et le suivi de la politique de Julius Nyerere est Geoffroy Henriet.  "Re-merci" à lui.
 
Références sur la vie, le travail et les engagements de Pierre Ruquoy en Haïti, République Dominicaine et Zambie (The "Sunflowers"):  voir le magnifique ouvrage très bien documenté avec de nombreuses photos, intitulé "Leur vie, un cri !" , publié chez Médiel à Wavre (site www.mediel.net) par Hubert van Ruymbeke et disponible, au prix de 22 euros, chez Anne-Marie Clamot de Jambes, tante de Pierre (adresse courriel : amclamot@gmail.com).
 
Un long voyage à vélo au profit du développement durable ... une autre Transafrica ... un peu plus longue !
(transmis par Geert Leeuwerck de Leuven)
 
"Deux jeunes néerlandais ont décidé de se lancer dans une aventure en vélo pour promouvoir le développement durable. Ils se sont fixés six mois pour joindre Amsterdam – Le Cap. Demain, samedi 28 février, Jilt van Schayik et Teun Meulepas, les deux jeunes néerlandais à l'origine du projet seront de passage à Bruxelles. Ils abandonneront leur vélo le temps d'une après-midi, pour rencontrer des jeunes Belges et échanger sur le développement durable. Ensuite ils reprendront les pédales en direction du Cap en Afrique du Sud. Durant ce voyage, ils organiseront avec les Jeunes Ambassadeurs de chaque pays, des rencontres et évènements de sensibilisation autour des enjeux du Post-2015. Le monde se prépare actuellement à l’adoption des Objectifs du Développement Durable, afin de contrer le sous et mal développement et d'assurer une transition écologique pour qu’aucun être humain ne soit laissé pour compte."
 
Concernant les photos attachées aux messages que j'envoie, elles sont visibles, quelques jours après l'envoi du message, sur ce site dans la galerie TransAfrica2015.

Léon Tillieux